Les nationalistes turcs veulent des élections en novembre

par Ercan Gurses ANKARA (Reuters) - L'opposition nationaliste turque est prête à soutenir un gouvernement minoritaire formé par l'AKP, le parti du Premier ministre sortant, à condition que de nouvelles élections aient lieu en novembre, a déclaré son vice-président à Reuters mardi. Signe du caractère sensible du sujet, Semih Yalcin a par la suite publié un communiqué pour affirmer que ses propos avaient été mal interprétés. Il n'a pas pu être joint dans l'immédiat pour préciser sa position. L'AKP, qui dirige la Turquie depuis plus de dix ans, a perdu la majorité au Parlement lors des législatives de juin et peine depuis à former une coalition. Il a désormais moins de trois semaines pour trouver un ou plusieurs alliés, tenter de gouverner seul mais sans majorité ou se résoudre à un nouveau scrutin. Et à cette incertitude politique sont venues s'ajouter les tensions aux frontières, en Syrie et en Irak, ainsi que la relance du conflit avec les rebelles kurdes. Le gouvernement en place, théoriquement en charge des affaires courantes depuis les législatives, a lancé depuis le 24 juillet des frappes aériennes contre les camps du Parti des travailleurs kurdes (PKK) dans le nord de l'Irak et contre l'Etat islamique (EI) en Syrie, une campagne dans laquelle l'opposition voit une manoeuvre de l'AKP pour s'assurer le soutien des nationalistes turcs et nuire au camp prokurde avant d'éventuelles nouvelles élections. "Nous ne soutiendrons pas un gouvernement minoritaire ordinaire de l'AKP, mais si le gouvernement minoritaire est un gouvernement électoral, il faudra savoir quelle est la date des élections", a dit Semih Yalcin. "Nous pouvons soutenir un gouvernement minoritaire de l'AKP à condition que des élections aient lieu en novembre", a-t-il précisé. Les positions politiques officielles du MHP sont habituellement exprimées par son président, Devlet Bahceli, et dans son communiqué de mardi, Semih Yalcin déclare que ses déclarations ont été sorties de leur contexte et que son parti ne soutiendrait pas un gouvernement AKP minoritaire. LE DOSSIER KURDE AU COEUR DU DÉBAT Dans l'entretien accordé à Reuters, Semih Yalcin a réaffirmé que le MHP n'avait pas l'intention de rejoindre une coalition dirigée par l'AKP à moins que celui-ci n'accepte de mettre formellement fin au processus de paix engagé il y a trois ans avec le PKK par le président Erdogan. "De simples déclarations laissant entendre qu'il est terminé ne suffisent pas. Il faut que cela soit annoncé par le Premier ministre", a-t-il dit. Recep Tayyip Erdogan a jugé récemment que le processus de paix avec les Kurdes était "impossible à poursuivre" mais ni Ankara, ni le PKK n'ont déclaré que les négociations de paix étaient définitivement abandonnées. Pour ses opposants, le chef de l'Etat souhaite de nouvelles élections pour permettre à l'AKP de retrouver une majorité parlementaire apte à modifier la constitution pour renforcer les pouvoirs présidentiels. Selon un sondage réalisé par l'institut Gezici publié mardi, 56,8% des Turcs estime qu'Erdogan est le principal obstacle à la formation d'une coalition gouvernementale et près de deux tiers d'entre eux voient dans l'engagement militaire récent d'Ankara en Irak et en Syrie une tentative pour influencer les résultats d'un futur scrutin anticipé. Si des législatives avaient lieu aujourd'hui, l'AKP, avec 41,9% d'intentions de vote, serait toujours incapable de gouverner seul et le parti prokurde HDP dont le bon score a coûté sa majorité au parti au pouvoir en juin, resterait au Parlement. Le principal parti d'opposition, le CHP, est crédité de 26,3%, le MHP de 15,3% et le HDP de 12,3% selon ce sondage réalisé les 25 et 26 juillet auprès de 4.860 personnes. (avec Ece Toksabay, Marc Angrand pour le service français)