Les maires tiennent congrès en l'absence de Macron

Le congrès des maires de France s'ouvre mardi à Paris en l'absence remarquée d'Emmanuel Macron et dans un contexte de crispation entre des édiles "fatigués" et un exécutif irrité par l'"absence de volonté de dialogue" de certains élus. /Photo d'archives/REUTERS/Philippe Wojazer

PARIS (Reuters) - Le congrès des maires de France s'ouvre mardi à Paris en l'absence remarquée d'Emmanuel Macron et dans un contexte de crispation entre des édiles "fatigués" et un exécutif irrité par l'"absence de volonté de dialogue" de certains élus.

Emmanuel Macron, qui s'était engagé "à venir chaque année rendre compte" au nom de "l'esprit de responsabilité", ne sera finalement pas présent et sera remplacé par son Premier ministre Edouard Philippe, jeudi, porte de Versailles.

Le chef de l'Etat recevra en revanche mercredi à 17h30 à l'Elysée le bureau de l'association des Maires de France (AMF) et des présidents d'intercommunalités avant une réception en l’honneur des maires de France dans la soirée. Il prononcera à cette occasion un discours et aura un "échange direct" avec les édiles, a précisé son entourage.

L'année dernière, le chef de l'Etat, qui avait déjà essuyé des sifflets devant l'AMF pendant la campagne présidentielle, avait été hué à son arrivée au Congrès où il avait confirmé la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des ménages.

Cette mesure est l'un des points de crispations persistants entre l'exécutif et les élus locaux dont certains dénoncent depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron des "décisions unilatérales", de "mauvaises manières et de mauvaises méthodes".

La décision d'Emmanuel Macron ne se pas se rendre au Congrès des maires a été fraîchement accueillie par David Lisnard, maire (Les Républicains) de Cannes et vice-président de l'Association des maires de France (AMF).

"Si on s'engage, on vient, ça me parait assez évident", a-t-il dit sur France Inter lundi matin. "Dans le contexte actuel, ce sont des marques qui vont créer de la défiance, une impression peut-être infondée de mépris et d'arrogance."

"Je n'irai pas à l'Elysée" mercredi, a-t-il poursuivi, "parce que je ne veux pas servir de figurant dans une opération de communication, quel que soit le président".

OPÉRATION DÉMINAGE EN AMONT

En un an et demi, contrairement aux relations avec les départements et les régions qui ont connu ces dernières semaines un début d'embellie, les liens entre l'AMF présidée par François Baroin (LR) et l'exécutif restent toujours tendus.

"Pour dialoguer, il faut être deux", a pointé dimanche sur France 3 la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault. "L'association des maires de France, en tout cas son président et son vice-président, n'ont pas fait preuve de beaucoup de volonté de dialogue avec le gouvernement".

Le discours d'Edouard Philippe jeudi sera dans ce contexte scruté de près, notamment les potentielles annonces en matière de compensation de la suppression de la taxe d'habitation ou concernant la réforme de la fiscalité locale, promise l'an dernier par Emmanuel Macron pour 2020.

A quelques jours de sa venue, Edouard Philippe a tenté dimanche sur France 2 de faire baisser la tension, se disant certain que l'échange avec les maires "se passera[it] très bien parce que les maires sont des élus, ils sont déterminés mais aussi respectueux de leurs concitoyens".

Emmanuel Macron a de son côté adressé une lettre aux maires le 16 novembre dernier dans laquelle il rend hommage aux élus, "artisans de la transformation du pays" et défend l'action engagée depuis le début de son quinquennat.

"Le 23 novembre 2017, j'avais pris devant vous plusieurs engagements en faisant la promesse d'en rendre compte chaque année, c'est cette parole que j'honore aujourd'hui en écrivant personnellement à chacune et chacun d'entre vous", peut-on lire dans ce courrier rendu public lundi par l'Elysée.

"Ma première promesse était de préserver vos moyens financiers, aujourd'hui elle est tenue", poursuit-il. "Pour la deuxième année consécutive, la dotation globale de fonctionnement des communes sera préservée".

Face aux inquiétudes exprimées par les maires, le chef de l'Etat réaffirme que la suppression de la taxe d'habitation sera "compensée à l’euro près", sans donner de détails sur la manière dont l'exécutif compte s'y prendre pour y parvenir.

Reste à savoir si ces nouveaux engagements suffiront à rassurer des élus en pleine "fatigue psychologique" face "aux attentes de plus en plus élevées des citoyens", selon une étude du Cevipof rendue publique jeudi dernier.

Selon cette même étude, près d'un maire sur deux songe à "abandonner tout mandat électif" et ceux qui ont été élus pour la première fois en 2014 sont 60% à l'envisager.

(Marine Pennetier, avec Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)