Les Kurdes syriens soutenus par Damas contre les raids turcs

Les Kurdes syriens reçoivent le soutien indirect et inattendu des forces pro-gouvernementales de Bachar al Assad (photo) pour lutter contre un ennemi commun dans le nord-ouest de la Syrie : l'armée turque. /Image diffusée le 14 novembre 2017/REUTERS/SANA

par Laila Bassam et Tom Perry

ALEP, Syrie/BEYROUTH (Reuters) - Les Kurdes syriens reçoivent le soutien indirect et inattendu des forces pro-gouvernementales de Bachar al Assad pour lutter contre un ennemi commun dans le nord-ouest de la Syrie : l'armée turque.

Ankara a lancé une opération militaire aérienne et terrestre le 20 janvier contre les combattants kurdes qui tiennent la région d'Afrin, à la frontière turque, ouvrant ainsi un nouveau front dans le conflit syrien.

Le pouvoir turc accuse les YPG (Unités de protection du peuple) d'être le prolongement en Syrie du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, hors-la-loi) qui a déclenché une insurrection en 1984 en Turquie pour obtenir l'autonomie des zones peuplées par les Kurdes.

Pour protéger la zone, le régime de Damas a autorisé les forces kurdes installées dans les régions de Kobané et de Djézireh à se rendre sur le front d'Afrin.

"Il y a plusieurs manières de faire parvenir des renforts à Afrin mais la plus essentielle est grâce aux forces du régime. Il y a des accords entre les deux parties (...) pour les besoins de la défense de la région d'Afrin", a déclaré le porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance rebelle arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis.

Selon un commandant des forces gouvernementales, les Kurdes n'ont pas d'autres choix que celui de coopérer avec Bachar al Assad.

"Le régime syrien aide les Kurdes en leur apportant une humanitaire et logistique, en les autorisant, par exemple, à se rendre sur certains fronts", a déclaré le haut gradé, qui a préféré garder l'anonymat.

ASSAUT DU RÉGIME CONTRE LES KURDES À L'EST

Pour se rendre à Afrin, les combattants kurdes doivent traverser des zones contrôlées par le régime ou par les milices chiites soutenues par Téhéran.

Nombre d'entre eux viennent de Cheikh Maksoud, un quartier kurde d'Alep, déclare à Reuters un responsable kurde.

"Bien sûr que les habitants sont venus par centaines de Cheikh Maksoud, pour défendre Afrin", dit Badran Himo, ajoutant que dix d'entre eux ont été tués.

Plus tôt cette semaine, des témoins ont déclaré avoir vu des centaines de véhicules quitter les territoires kurdes pour se rendre à Afrin.

Le gouvernement syrien ignore en revanche les appels des autorités kurdes demandant de surveiller la frontière syrienne à Afrin.

"Nous avons essayé de les convaincre, par l'intermédiaire des Russes, pour qu'ils protègent au moins les frontières, sans succès", a dit à Reuters Aldar Khalil, un responsable politique kurde.

"S'ils ne protègent pas la frontière, alors ils n'ont pas le droit de bloquer la route aux patriotes syriens qui protègent ces frontières", a-t-il ajouté.

Les forces du régime ont, dans le même temps, mené des raids aériens contre les FDS dans la province de Daïr az Zour, dans l'est du pays.

"Le régime a autorisé le renfort des YPG à Afrin tout en l'attaquant à l'est de l'Euphrate. Je pense que cela est révélateur du climat des relations", estime Noah Bonsey, spécialiste de la Syrie à l'International Crisis Group.

"Il y a toujours un décalage important entre les YPG et le régime sur l'avenir de l'est de la Syrie", ajoute-t-il.

(Arthur Connan pour le service français)