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Les Kurdes de Syrie décidés à défier la Turquie

par Tom Perry BEYROUTH (Reuters) - Les Kurdes du nord de la Syrie, qui jouissent d'une autonomie de fait depuis le début du conflit, vont adopter le mois prochain un nouveau régime politique pour renforcer cette autonomie et étendre leur territoire, malgré les mises en garde de la Turquie et son incursion militaire dans la région. "Nous avons décidé de réunir l'assemblée fondatrice du système fédéral au début du mois d'octobre et nous adopterons notre propre régime pour le nord de la Syrie", a déclaré Hadiya Youssef, présidente de ladite assemblée, interrogée par Reuters. "Nous ne renoncerons pas à ce projet (...) L'intervention turque ne nous en arrêtera pas", a-t-elle assuré. L'administration locale dément toute velléité indépendantiste, mais ne cache pas son intention de préserver son autonomie et de l'étendre à des secteurs dont les miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) ont chassé récemment les djihadistes de l'Etat islamique. Ankara, qui les assimile aux séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), craint que leurs succès n'attisent la guérilla dans le Sud-Est turc, où les Kurdes sont majoritaires, et les a sommés de se replier à l'est de l'Euphrate, mais les YPG sont aussi le premier relais sur le terrain des Etats-Unis dans la lutte contre l'EI. Dans le cadre de l'opération "Bouclier de l'Euphrate" lancée le 24 août à la fois pour chasser l'EI et enrayer la progression des YPG, les forces turques et leurs alliés syriens se sont emparés d'une bande d'une centaine de kilomètres le long de la frontière syrienne. Elle s'étend entre les deux principales zones aux mains des Kurdes, dont la jonction donnerait naissance au Rojava, ou Kurdistan syrien. VEILLÉE D'ARMES À MANBIJ Selon Hadiya Youssef, la ville de Manbij, prise à l'EI le mois dernier, doit faire partie de la région sous administration kurde. Or, elle se trouve à l'ouest de l'Euphrate. "Selon nous (...), la population de Manbij veut appartenir au système fédéral et l'accepte. Je pense que Manbij sera à l'intérieur des frontières du système fédéral", a-t-elle déclaré. La ville est tombée le 12 août aux mains des Forces démocratiques syriennes (FDS), dont les YPG sont le principal acteur, à l'issue d'une offensive soutenue par les Etats-Unis. Pour ménager son allié turc, Washington a depuis invité les Kurdes à se replier à l'est de l'Euphrate et s'est prononcé contre la réforme de leur régime politique, lorsque le projet a été présenté en mars. Selon un chef des rebelles proturcs engagés dans Bouclier de l'Euphrate, une nouvelle bataille est imminente à Manbij, puisque les Kurdes s'y trouvent toujours. "Nous réagirons à toute attaque des turcs", a quant à elle affirmé Hadiya Youssef, assurant par ailleurs que les mouvements kurdes et leurs alliés n'avaient pas renoncé à la jonction des deux secteurs qu'ils contrôlent. Après l'adoption de la nouvelle constitution, qui fait de Qamichli, sur la frontière turque, la capitale du Kurdistan syrien, débuteront les préparatifs d'élections locales qui seront suivies à terme par un scrutin régional, a-t-elle ajouté. (Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Tangi Salaün)