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Les USA n'ont pas réfléchi aux conséquences du boycott iranien selon Rohani

par Bozorgmehr Sharafedin

LONDRES (Reuters) - Le président iranien Hassan Rohani a assuré mercredi que Teheran n'avait aucune intention de plier devant les menaces proférées par les Etats-Unis d'imposer un boycott des exportations pétrolières du pays, ajoutant que Washington n'avait pas bien réfléchi aux conséquences d'une telle mesure.

"Les Américains disent qu'ils veulent réduire à néant les exportations pétrolières iraniennes (...) Cela montre qu'ils n'ont pas réfléchi aux conséquences de cette décision", a-t-il déclaré, cité par l'agence de presse étatique INRA, lors d'une visite officielle à Vienne.

Ces propos font écho aux déclarations faites la veille par Hassan Rohani, quand il avait menacé d'ordonner le blocage du trafic pétrolier si Washington mettait ses projets à exécution.

Hassan Rohani n'avait pas précisé ses projets, mais les autorités iraniennes ont déjà menacé de bloquer le détroit d'Ormuz pour faire pression sur les Etats-Unis. Jusqu'à 30% des exportations mondiales de pétrole transitent chaque année par cette voie maritime.

Plus tôt dans la journée, les gardiens de la Révolution iranienne se sont dits prêts à s'opposer aux exportations pétrolières des pays du Golfe si les Etats-Unis imposent un boycott international des hydrocarbures iraniens.

"Je baise la main de (Rohani) pour ses propos sages et opportuns, et je suis à (son) service pour mettre en oeuvre toute mesure bénéfique pour la République islamique", a déclaré le général Qassem Soleimani, commandant de la force Al Qods, unité des gardiens de la Révolution chargée des opérations extérieures, cité par l'agence de presse Irna.

Donald Trump a dénoncé début mai l'accord international de juillet 2015 sur le programme nucléaire iranien, qui a permis la levée progressive des sanctions commerciales en échange d'une limitation des activités sensibles de Téhéran.

Washington a menacé depuis d'imposer des pénalités financières aux pays qui continueront à importer du pétrole iranien après le 4 novembre.

"C'EST LE CONSOMMATEUR AMÉRICAIN QUI PAIERA"

Hassan Rohani, qui s'est rendu dans la capitale autrichienne pour tenter de sauver l'accord dénoncé par Donald Trump, a également dit que les sanctions américaines contre l'Iran étaient assimilables à "un crime et une agression", appelant les Etats européens et d'autres pays à défendre son pays contre la politique de l'administration Trump.

"L'Iran survivra à cette nouvelle salve de sanctions américaines, comme le pays a réussi à le faire par le passé. Le gouvernement américain actuel ne restera pas au pouvoir pour l'éternité (...) Mais l'Histoire jugera les autres pays sur ce qu'ils font aujourd'hui", a-t-il poursuivi.

Les signataires européens de l'accord de Vienne ont promis de tout faire pour le sauver, notamment en compensant les sanctions américaines, mais reconnaissent que leur marge de manoeuvre est étroite.

Les ministres des Affaires étrangères des cinq pays qui restent parties prenantes de l'accord (Chine, France, Allemagne, Grande-Bretagne et Russie) se réunissent vendredi à Vienne.

"Si les signataires restants peuvent garantir les bénéfices de l'Iran, nous resterons dans l'accord nucléaire sans les Etats-Unis", a promis plus tôt dans la journée Hassan Rohani.

Le président iranien a par ailleurs jugé la décision de son homologue américain "contraire aux intérêts nationaux des Etats-Unis", un avis partagé par Hossein Kazempour Ardebili, représentant iranien auprès de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).

"L'appel de Trump au boycott du pétrole iranien et ses pressions sur les entreprises européennes au moment où le Nigeria et la Libye sont en crise, où les exportations de pétrole du Venezuela sont en baisse en raison des sanctions américaines, où la consommation intérieure saoudienne augmente avec l'été n'est rien d'autre qu'une automutilation", a-t-il jugé.

"Cela va faire monter les prix du pétrole sur les marchés mondiaux. En définitive, c'est le consommateur américain qui paiera le prix de la politique de M. Trump."

(Avec la contribution de Francois Murphy et Kirsti Knolle à Vienne, Jean-Philippe Lefief et Benoît Van Overstraeten pour le service français)