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Les fuites de WikiLeaks sans doute dues à des sous-traitants de la CIA

Des responsables américains du renseignement et de la police étaient informés depuis la fin 2016 de la faille de sécurité qui a permis au site WikiLeaks de publier des documents sur les méthodes de la CIA pour pirater des téléphones, des messageries et même des récepteurs de télévision. /Photo d'archives/REUTERS/Larry Downing

par John Walcott et Mark Hosenball WASHINGTON (Reuters) - Des responsables américains du renseignement et de la police étaient informés depuis la fin 2016 de la faille de sécurité qui a permis au site WikiLeaks de publier des documents sur les méthodes de la CIA pour pirater des téléphones, des messageries et même des récepteurs de télévision. L'enquête s'oriente vers des sous-traitants de la CIA qui auraient transmis ces données ultra secrètes au site créé par le militant australien Julian Assange, précisent ces responsables. Ils précisent sous le sceau de l'anonymat qu'à leur avis les documents diffusés mardi sur le site sont authentiques. Au total, WikiLeaks a dit avoir publié près de 8.000 pages de discussions internes à l'Agence centrale du renseignement sur des techniques de piratage utilisées entre 2013 et 2016. Selon les documents publiés, les hackers de la CIA pouvaient entrer dans les iPhones d'Apple ainsi que dans les appareils tournant sous les système Android de Google dans le but de récupérer des textos ou des messages vocaux avant qu'ils ne soient cryptés avec des logiciels sophistiqués. Le président américain s'est dit "extrêmement préoccupé" par la faille dans la sécurité de la CIA qui a conduit aux révélations de WikiLeaks. "Toute personne transmettant des informations confidentielles devra répondre au plus haut niveau du droit", a déclaré le porte-parole de la Maison blanche, Sean Spicer. Selon un des responsables interrogés par Reuters, les sociétés qui travaillent pour la CIA cherchent pour l'instant à établir quels sont leurs employés qui avaient accès aux informations publiées par WikiLeaks. Une fois la liste établie, les ordinateurs, email et autres outils de communications de ces derniers seront examinés pour voir s'ils ne contiennent pas des preuves d'une transmission à l'organisation de Julian Assange. LE RYTHME DE L'INNOVATION Une des raisons pour lesquelles l'enquête est centrée sur une fuite émanant de sous-traitants plutôt que, par exemple, sur un piratage des services de renseignement russes est que, pour l'instant, il n'y a pas de preuve que les agences russes aient essayé d'exploiter ces informations avant leur révélation par WikiLeaks, a déclaré un autre responsable. Le premier responsable interrogé souligne qu'un grand problème vient du fait que le nombre de sous-traitants ayant accès à des informations ultra secrètes a "explosé" ces dernières années en raison des contraintes budgétaires au niveau fédéral. Les services de renseignement n'ont pas été à même d'embaucher le personnel permanent nécessaire pour suivre le rythme de l'innovation technologique comme par exemple "l'internet des objets" qui relie les voitures, systèmes de chauffages et autres appareils aux réseaux informatiques, ni de proposer des salaires qui soient concurrentiels par rapport au secteur privé, explique ce responsable. Les commissions du renseignement des deux chambres du Congrès, Chambre des représentants et Sénat, devaient ouvrir des enquêtes après les révélations de WikiLeaks. En Allemagne, les services du procureur fédéral ont fait savoir qu'ils allaient examiner avec soin les documents publiés car certains font état de la présence d'une antenne de piratage de la CIA gérée à partir du consulat des Etats-Unis à Francfort. Des officiels américains ont confirmé qu'un bâtiment adjacent à la base aérienne "Rhein-Main" a été une antenne de la CIA pendant des années sous le nom de code "Tefran", chargée de collecter des informations sur les activités de l'Iran en Europe. COOPÉRATION RENFORCÉE La mission de cette antenne était de surveiller des dirigeants iraniens et de cibler de potentiels transfuges travaillant sur le programme nucléaire mené par Téhéran. "Nous examinons cela très attentivement. Nous ouvrirons une enquête si nous constatons l'existence de faits criminels concrets ou d'auteurs particuliers", a déclaré un porte-parole du procureur fédéral. Un responsable européen, ayant lui aussi requis l'anonymat, a expliqué que ces révélations pourraient en réalité conduire à une coopération renforcée entre Américains et Européens, les Occidentaux partageant les mêmes préoccupations à l'égard de l'espionnage russe. Ce responsable précise que des soupçons se portent une nouvelle fois sur Moscou qui pourrait être derrière ces nouvelles fuites exploitées par WikiLeaks. "Il est intéressant et sans doute significatif que ces fuites coïncident avec des efforts accrus russes pour influencer les élections à venir en Europe, pour intimider les Etats baltes et d'autres anciens pays satellites de l'Europe de l'Est et déstabiliser l'Otan et l'Union européenne", a-t-il ajouté. Ces nouvelles révélations de WikiLeaks sur les pratiques des services de sécurité américains interviennent alors qu'Angela Merkel est attendue mardi prochain à Washington pour une première rencontre avec Donald Trump au moment où les relations entre Américains et Allemands sont dégradées. Le président américain a vivement critiqué la politique commerciale allemande ainsi que l'insuffisance des crédits militaires de l'Allemagne en tant que membre de l'Otan. (Pierre Sérisier et Danielle Rouquié pour le service français)