Les forces irakiennes cherchent à encercler Tikrit

LA BATAILLE DE TIKRIT

BAGDAD (Reuters) - Des milliers de soldats irakiens et de miliciens chiites cherchent à encercler les forces de l'Etat islamique (EI) à Tikrit et dans les villes environnantes, au deuxième jour de leur offensive contre ce bastion du groupe djihadiste. Kassem Soleimani, le chef de la force d'élite iranienne "Al Qods", qui a participé à la coordination des contre-attaques contre l'EI dans la région de Bagdad ces derniers mois, supervise au moins en partie l'opération, selon des témoins contactés par Reuters. Sa présence sur la ligne de front, mardi, atteste de l'influence de l'Iran sur les milices chiites qui ont grandement contribué à contenir l'extension des djihadistes sunnites de l'EI en Irak. En revanche, la coalition conduite par les Etats-Unis pour mener des raids aériens contre l'EI en Irak et en Syrie n'est pas encore intervenue à Tikrit, a dit lundi le Pentagone, sans doute en raison de cette forte présence iranienne. Le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, a dit craindre une flambée des tensions intercommunautaires. Les porte-parole de l'armée irakienne expliquent que la progression des forces gouvernementales, épaulées par les unités de la milice chiite "Hachid Chaabi" (Mobilisation populaire), est freinée par les bombes artisanales et les tireurs embusqués de l'EI. Les forces loyalistes n'ont pas encore pénétré dans Tikrit, la ville de l'ancien président Saddam Hussein, ni dans la ville voisine d'Al Dour, sur le Tigre, que les autorités présentent comme une base importante de l'EI. Sur le flanc sud de l'offensive, les forces gouvernementales ont encerclé et isolée Al Dour, mais l'assaut sur la ville n'a pas encore été donnée, disent les autorités. L'armée a annoncé la prise d'un village près de Tikrit en allant vers le nord. Kassem Soleimani a été vu dirigeant les opérations sur le flanc est de l'offensive, du village d'Albou Raïach situé à 55 km de Tikrit et repris à l'Etat islamique il y a deux jours. A ses côtés se trouvaient deux commandants des forces paramilitaires chiites irakiennes, le chef de Hachid Chaabi, Abou Mahdi al Mohandis, et le chef de la puissance organisation Badr, Hadi al Amiri. ATTENTATS SUICIDE "(Soleimani) se tenait en haut d'une colline et tendait ses mains vers les zones où l'Etat islamique continue d'opérer", a déclaré un témoin accompagnant les forces de sécurité. Le général américain Lloyd Austin, chargé de la supervision des forces américaines dans la région, a indiqué qu'il n'y avait pas de coordination entre l'armée américaine et l'Iran et que les activités de Téhéran étaient surveillées. "Nous avons de très bons services de renseignement et une bonne imagerie aérienne. L'activité à Tikrit n'a pas été une surprise", a dit le général devant le Congrès des Etats-Unis. Selon les estimations qu'il a fournies aux élus, 8.500 combattants de l'EI ont été tués depuis le début, en août dernier, des frappes de la coalition internationale en Irak. Ces frappes ont ensuite été étendues à la Syrie. L'EI a organisé plusieurs attentats suicide contre l'armée et les milices ces derniers jours. Des comptes Twitter liés à l'EI ont évoqué un certain Abou Daoud al Amriki, suggérant qu'il s'agissait d'un ressortissant américain, qui aurait fait exploser un véhicule chargé d'explosifs. L'offensive lancée lundi, dont le nom est "Me voilà, messager de Dieu", est la plus grande opération militaire dans la province de Salah ad Dine, depuis l'attaque par l'EI, l'été dernier, de la base militaire de Camp Speicher à l'extérieur de Tikrit, qui a coûté la vie à des centaines de soldats irakiens. Jamais les forces irakiennes ne sont parvenues à reprendre une ville à l'Etat islamique depuis qu'il a proclamé un califat l'an dernier dans des territoires conquis dans le nord et l'ouest de l'Irak et dans l'est de la Syrie. Mais les raids de la coalition, les contre-attaques des milices chiites, des peshmergas kurdes et des forces gouvernementales ont bloqué l'expansion du groupe armé sunnite, qui a été délogé des environs de Bagdad, d'une partie du Nord kurde et de la province orientale de Diyala. La bataille de Tikrit pourrait préfigurer une offensive vers Mossoul, la deuxième ville d'Irak prise en juin dernier par les islamistes. Selon un haut commandant des peshmergas, les combattants de l'EI ont attaqué les forces kurdes lundi à Sinjar. Il fait état d'un bilan de neuf morts côté kurde et 45 morts côté EI. Les Kurdes contrôlent environ 30% de cette ville située à l'ouest de Mossoul, ainsi que les collines et le mont Sinjar au nord. (Jean-Stéphane Brosse et Danielle Rouquié pour le service français)