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Les femmes, le travail et le virus : "Je n’avais jamais pensé que j’aurais un jour besoin de choisir entre ma carrière et mes enfants"

La pandémie mondiale de coronavirus sévit depuis un peu plus d’un an maintenant. En février 2021, le New York Magazine a fait sa une sur un phénomène préoccupant : des millions de femmes auraient disparu du marché du travail, par choix ou par contrainte, à cause de l’épidémie.

Les femmes, le travail et le virus
Les femmes, le travail et le virus

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Bénédicte a 37 ans. Elle est maman de deux garçons, de 4 et 2 ans. Au premier confinement, elle s’est retrouvée dans la situation de bien des femmes françaises, tiraillée entre son travail et l’obligation d’occuper ses deux fils : "Ce qui me choque c’est qu’il n’a jamais été question que mon compagnon en fasse plus. Il a pu continuer son travail à la maison sans être trop embêté par la situation. Moi, je m’épuisais à faire les lessives, à penser aux repas, à occuper mes garçons… tout en veillant à ce que mon patron reste content de mon travail. Pendant tout le confinement, mon temps de sommeil a été divisé par deux. Je n’arrivais pas à tout faire la journée, alors je vivais en partie la nuit."

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Et puis une idée germe dans son esprit pendant l’été : "On n’en voyait pas le bout. Ça parlait de deuxième vague et je ne supportais pas l’idée de recommencer le marathon de la première fois. Quand j’ai réalisé que toute cette histoire allait durer, j’ai cherché une solution. C’était une question de survie. Je ne pouvais pas renvoyer mes fils à l’expéditeur alors c’est le travail qui a été sacrifié. Je n’avais jamais pensé que j’aurais un jour besoin de choisir entre ma carrière et mes enfants. Pour une femme de ma génération, c’est impensable."

Je n’ai jamais rêvé d’être mère au foyer

Bénédicte hésite quelques semaines avant d’en parler à son mari : "C’était important pour moi qu’il comprenne ma démarche. Il n’était pas question de tomber dans un schéma du passé qui ne me ressemble pas du tout. Je n’ai jamais rêvé d’être mère au foyer, même si je respecte les femmes qui le sont. Je voulais qu’il réalise que c’était une question de survie pour moi, qu’il ne m’avait pas aidée et que je ne comptais pas qu’il le fasse, parce que c’était trop tard. C’était un sacrifice, c’est sûr. Mais un sacrifice pour mon bien à moi."

Je considère qu’il faut du courage pour prendre une décision comme ça, et je ne veux pas m’entourer de gens qui ne sont pas prêts à me soutenir

Le choix de Bénédicte est peu compris par ses proches et ses amies sont outrées : "J’ai eu des réactions très agressives de personnes qui ne pourront jamais comprendre ce que j’ai vécu. J’ai décidé de prendre un peu mes distances avec elles. Je considère qu’il faut du courage pour prendre une décision comme ça, et je ne veux pas m’entourer de gens qui ne sont pas prêts à me soutenir." Elle décide donc de quitter son emploi en octobre dernier : "Mon patron a accepté une rupture conventionnelle, ce qui m’a permis de souffler un peu sur la question financière".

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Je me suis donnée un objectif : traverser cette épreuve avec mes proches le mieux possible

Aujourd’hui, Bénédicte est beaucoup plus sereine : "Ma vie a changé du tout au tout. C'est sûr qu’il y a des journées que je ne passe qu’en survêtement. Et je ne peux pas dire que ce soit follement épanouissant de faire des gâteaux pour le goûter un jour sur deux. Mais je suis beaucoup moins stressée et épuisée. Je me suis donnée un objectif : traverser cette épreuve avec mes proches le mieux possible. Alors je m’occupe de mes fils, et je m’occupe de moi. Je ne m’oblige pas à avoir une maison impeccable ou à jouer à la parfaite mère au foyer. Le but c’est vraiment d’avoir du temps pour mes fils, de pouvoir m’adapter aux changements de contraintes gouvernementales sans me tirer trop les cheveux, de me donner à moi le moins de contraintes possibles."

Je sais que c’est un luxe de pouvoir se permettre ce que j’ai fait

Elle ne sait pas combien de temps elle sera obligée de rester sans emploi mais voit la question avec philosophie : "Je sais que c’est un luxe de pouvoir se permettre ce que j’ai fait et j’y pense tous les jours. Je pense à ces femmes qui jonglent entre la famille et le travail, le couvre-feu, la charge domestique et le stress ambiant. Moi, j’ai pu imaginer une solution alternative en attendant que ça se calme. J’ai parfois envie de claquer la porte et de retrouver mon bureau… mais si j’y pense plus de 10 secondes, même dans ces cas là, je me dis que j’ai quand même une vie facile en comparaison avec d’autres. Le bureau, j’aurais bien tout le temps d’y revenir. Là, je me préserve et je préserve ma santé mentale et c’est important."

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