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Les ex-otages français en Syrie de retour en France

PARIS (Reuters) - Les quatre journalistes français qui étaient otages en Syrie - Edouard Elias, Didier François, Nicolas Hénin et Pierre Torres - ont regagné la France dimanche matin après dix mois de captivité. Les quatre hommes ont été accueillis peu avant 09h00 par le président de la République François Hollande, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, leurs familles et leurs proches à l'aéroport militaire de Villacoublay, au sud de Paris. Chaudement applaudis, "débordés par l'émotion" selon les mots de Nicolas Hénin lorsqu'il a étreint son épouse et ses deux jeunes enfants, ils ont dit quelques mots avant d'être emmenés à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce pour des examens médicaux. "C'est un grand bonheur, un immense soulagement d'être libre, de voir le ciel, on ne l'a pas vu depuis longtemps", a déclaré Didier François. "On n'a jamais douté. De temps en temps, on avait des bribes, on savait que tout le monde était mobilisé." Ce journaliste très expérimenté a aussi salué le travail "très discret" de la diplomatie et du renseignement français et la "générosité" de tous ceux qui les ont soutenus à distance. Didier François et le photographe Edouard Elias, qui travaillent pour Europe 1, avaient été enlevés le 6 juin dans la région d'Alep. Nicolas Hénin et Pierre Torres avaient disparu le 22 juin mais les autorités françaises ne l'avaient annoncé qu'en octobre. PAS DE CONTACT AVEC LA SYRIE Leur libération était en vue depuis une quinzaine de jours, a expliqué Laurent Fabius sur Europe 1, ajoutant que la France était restée extrêmement prudente jusqu'au dénouement. "On n'est jamais sûr de récupérer les otages. C'est un travail très long, très discret, très dangereux, et c'est seulement à la fin des fins qu'on se dit, ils sont rentrés", a déclaré le ministre des Affaires étrangères. "Il faut être discret, parfois secret parce que les terroristes, les preneurs d'otages utilisent tout contre les otages", a-t-il ajouté. "Il y a eu des moments où nous savions précisément les choses et, au début, des moments où il y a eu beaucoup d'incertitudes." "Dans d'autres cas de prise d'otages, nous avons pu entrer en contact par d'autres Etats. Là, il n'était pas du tout question d'avoir des contacts avec le gouvernement (syrien)", a-t-il encore dit, soulignant qu'il est encore plus difficile d'agir dans un pays en proie à la guerre civile depuis trois ans. Les quatre hommes ont été trouvés par des soldats turcs dans le sud de la Turquie dans la nuit de vendredi à samedi après avoir été amenés à la frontière par des inconnus. D'après l'agence de presse turque Dogan, ils avaient les yeux bandés et les mains liées, une version démentie par Laurent Fabius, comme Nicolas Hénin, samedi déjà, sur France 24. "C'est complètement faux", avait dit l'ex-otage. "Nous avons tous les quatre traversé la frontière avec la tête tout à fait découverte et les mains dans les poches et nous avons été dirigés par nos ravisseurs vers une position de l'armée turque qui nous a pris en charge." Recueillis à l'ambassade de France en Turquie, ils ont regagné leur pays à bord d'un avion de transport militaire qui s'est posé à Evreux dimanche matin vers 07h15. Après une courte escale, ils ont rallié Villacoublay en hélicoptère. "TROU NOIR" A leur arrivée et après les étreintes, ils sont revenus sur leurs conditions de captivité. Didier François a dit avoir eu le sentiment d'être "dans un trou noir" pendant ces dix mois passés "dans des sous-sols, sans voir le jour, dont un mois et demi enchaînés les uns aux autres." La veille, Nicolas Hénin avait expliqué être passé par une dizaine de lieux différents entre les mains d'un groupe se revendiquant de la mouvance islamiste. "Cela été une longue errance de lieu de détention en lieu de détention", a-t-il dit. Laurent Fabius a, lui, souligné qu'ils avaient été traités "extrêmement durement" par leurs geôliers, qui se revendiquent selon les ex-otages de la mouvance islamiste. Le ministre des Affaires étrangères a confirmé la présence parmi eux de nombreux étrangers, dont des Européens. "Malheureusement oui", a-t-il répondu à la question de savoir si des Français se trouvaient parmi les activistes. "Ça veut dire que malheureusement il y a des Français, des Belges, des Italiens qui sont partis, comme ils disent, faire le djihad en Syrie. Ça ajoute à la difficulté." Laurent Fabius a réaffirmé que la France n'avait pas payé de rançon, selon la politique décidée par François Hollande, ni livré d'armes aux ravisseurs. Interrogé sur le sort des deux ressortissants français encore retenus en otages, le ministre s'est dit "très inquiet" pour Gilberto Rodriguez Léal, dont la capture en novembre 2012 dans l'ouest du Mali a été revendiquée par le Mujao (Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest). "Ça fait longtemps que nous n'avons pas eu de nouvelles. Nous sommes effectivement très inquiet", a-t-il dit. La diplomatie française, a-t-il ajouté, dispose en revanche d'"éléments" concernant Serge Lazarevic, qui a été enlevé en novembre 2011 dans le nord du Mali par un commando d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). (Henri-Pierre André et Grégory Blachier)