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L'UE n'exclut pas de tenir un sommet pour sanctionner Moscou

par Justyna Pawlak et Adrian Croft LUXEMBOURG (Reuters) - L'Union européenne n'exclut pas la tenue d'un sommet extraordinaire la semaine prochaine afin d'imposer de nouvelles sanctions contre la Russie si rien de concret n'émerge des pourparlers prévus jeudi à Genève sur la crise ukrainienne, a déclaré lundi Laurent Fabius. Le ministre français des Affaires étrangères s'exprimait en marge d'une réunion à Luxembourg avec ses collègues de l'UE, pendant laquelle plusieurs chefs de diplomatie ont menacé de sanctionner plus durement Moscou qu'ils accusent de mener une campagne de déstabilisation dans l'est de l'Ukraine. D'autres ont plaidé pour donner encore du temps à la diplomatie. Dans un communiqué, la présidence française s'est dite déterminée à mettre en oeuvre "une politique de sanctions ferme et graduée" avec ses partenaires européens. En début de soirée, le secrétaire au Foreign office britannique William Hague a déclaré que les 28 ministres s'étaient entendus sur le principe d'un élargissement des sanctions et sur l'ajout de nouveaux noms aux responsables déjà sanctionnés. Un "travail rapide et important aura lieu sur le nombre exact et les noms", a-t-il ajouté. La liste des personnalités russes et ukrainiennes interdites de visas et dont les avoirs en Europe ont été gelés depuis l'annexion de la Crimée en mars comporte 33 noms. Laurent Fabius a souhaité que des "questions de fond" sur l'Ukraine soient réglées lors des pourparlers de Genève qui réuniront jeudi des représentants de Kiev, Moscou, de l'UE et des Etats-Unis. "Si c'est nécessaire, il pourrait y avoir une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement au niveau européen la semaine prochaine qui pourraient adopter de nouvelles sanctions", a-t-il ajouté devant la presse. "L'objectif est à la fois de faire preuve de fermeté et de garder le dialogue ouvert", a-t-il dit. "PAS LA MOINDRE CRÉDIBILITÉ" La crise ukrainienne a occupé la majeure partie des discussions lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE à Luxembourg après la menace brandie par le nouveau gouvernement de Kiev d'utiliser la force armée contre les séparatistes pro-russes qui occupent des bâtiments officiels dans plusieurs villes de l'est du pays. Pour William Hague, il ne fait aucun doute que le Kremlin tire les ficelles de cette agitation afin de déstabiliser l'Ukraine. "Je ne pense pas que les démentis au sujet de l'implication russe aient la moindre crédibilité", a-t-il dit devant la presse. D'autres gouvernements européens se sont toutefois montrés plus prudents, insistant sur les craintes qui s'expriment dans plusieurs régions d'Europe de se mettre à dos une puissance énergétique comme la Russie. Ces gouvernements comptent avant tout sur les négociations de Genève. L'Allemagne espère que ce tour de table pourra apaiser les esprits même si Berlin rappelle que toutes les options demeurent sur la table. MISSION DE FORMATION DE LA POLICE Outre une interdiction de visa et un gel des avoirs de certaines personnalités, les Européens pourraient décider de mesures plus draconiennes comme des restrictions sur les relations commerciales et financières avec la Russie. Le Suédois Carl Bildt a estimé qu'il convenait d'attendre la rencontre de jeudi à Genève avant d'aller plus loin dans les mesures de rétorsion. "Nous avons la réunion de Genève qui arrive et cela constitue pour la Russie une occasion d'entamer la désescalade", a dit Bildt. "S'ils poursuivent l'escalade, je pense que nous devrons faire de même". Pour le Luxembourgeois Jean Asselborn, les sanctions ne résoudront pas le problème. "Notre priorité aujourd'hui est de tout faire pour que cette conférence ait lieu jeudi et qu'elle ait lieu dans une atmosphère calme." Les ministres ont approuvé certaines mesures pour aider l'Ukraine à faire face à sa grave crise économique, dont une aide de 500 millions d'euros par la levée de droits de douane sur un éventail de produits agricoles et textiles ainsi que sur d'autres importations. Les ministres des Affaires étrangères ont également évoqué la possibilité d'une mission afin d'entraîner la police et les services de sécurité en Ukraine, une mesure proposée par la Grande-Bretagne, la Suède et la Pologne et soutenue par l'Allemagne. Une telle mission, de nature à mécontenter Moscou, viserait à remettre sur pied la police et l'administration judiciaire afin de les aider à lutter contre les violences. Cela constituerait également un premier pas vers la mise en oeuvre d'un accord de libre-échange avec l'Union européenne. "Il est important de montrer qu'il n'y aura pas de reconnaissance d'une annexion en douce", a commenté un diplomate. (Pierre Sérisier et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)