Les décrets anti-immigration de Trump devant la Cour suprême

par Lawrence Hurley et Andrew Chung

WASHINGTON (Reuters) - L'administration Trump a présenté mercredi devant la Cour suprême des Etats-Unis ses arguments à l'appui de l'interdiction de territoire imposée aux ressortissants de plusieurs pays musulmans, l'une des mesures les plus controversées du président républicain.

L'audience devant les neuf membres de la Cour suprême, dont la majorité sont des conservateurs, a commencé dans la matinée et devait durer une heure.

Donald Trump a signé un premier décret anti-immigration une semaine seulement après sa prise de fonction en janvier 2017. Celui-ci a été bloqué par plusieurs juridictions de première puis de seconde instance, obligeant l'exécutif américain à revoir sa copie tout en menant une bataille juridique.

Actuellement, les dispositions prises par l'administration Trump interdisent l'accès au territoire des Etats-Unis à la plupart des ressortissants d'Iran, de Libye, de Somalie, de Syrie et du Yémen. Le Tchad qui figurait sur la liste présentée en septembre en a été retiré le 10 avril.

La Cour suprême n'avait jamais jusqu'ici entendu les arguments de l'administration Trump pour justifier sa politique migratoire restrictive à l'égard de pays musulmans ou des bénéficiaires du Dream Act (DACA), loi qui protège les "Dreamers", ces migrants arrivés illégalement aux Etats-Unis lorsqu'ils étaient enfants.

La plus haute juridiction américaine est toutefois intervenue dans le bras de fer que se livrent Trump et certains juges fédéraux sur la question migratoire. La Cour suprême a soutenu le président américain sur l'interdiction de territoire mais l'a désavoué sur la remise en cause du DACA.

"LUTTER CONTRE LE TERRORISME"

Les neuf juges devraient rendre un arrêt d'ici la fin du mois de juin.

Dans ce contentieux, le combat est mené par l'Etat d'Hawaï à majorité démocrate qui estime que l'interdiction de territoire enfreint les lois fédérales sur l'immigration et viole la Constitution en favorisant une religion au détriment d'une autre.

Lors d'une décision rendue le 4 décembre, la Cour a paru pencher en faveur de Trump puisque par 7 voix contre 2 elle a préconisé l'application complète du décret pendant le temps des procédures d'appel.

Le président américain soutient que ces restrictions imposées à certains pays musulmans sont un moyen de lutter contre le terrorisme islamiste.

Dans un communiqué diffusé mercredi, l'Attorney General (ministre de la Justice) Jeff Sessions invoque "le large pouvoir discrétionnaire et l'autorité du président pour protéger les Etats-Unis contre toutes les menaces extérieures comme intérieures".

"Le président Trump estime que ce décret est essentiel à la protection du peuple américain", ajoute Jeff Sessions.

Environ 150 opposants au décret présidentiel ont manifesté sous la pluie devant le siège de la Cour suprême. Seema Sked, 39 ans, brandissait une pancarte portant l'inscription "Fière d'être Américaine et musulmane".

PROMESSE DE CAMPAGNE

"L'interdiction (de venir aux Etats-Unis qui frappe des musulmans) bafoue la liberté de culte, qui est un droit inaliénable", a déclaré la jeune femme venue du Pakistan avec ses parents alors qu'elle était enfant. "Cela me fait de la peine parce qu'on met les musulmans à part en les humiliant, uniquement à cause de leur foi."

Les adversaires de Trump affirment que ces décisions traduisent simplement son aversion pour les musulmans, un argument qui a fait mouche à plusieurs reprises lors de procédures devant les juridictions de première instance.

A l'appui de leurs plaintes, les opposants aux décrets font valoir la promesse du candidat Trump "d'une interdiction totale et complète de l'entrée des musulmans aux Etats-Unis".

Le département de la Justice soutient que les propos de campagne de Donald Trump n'ont aucun poids juridique puisqu'il n'était pas encore président.

Tout en défendant le maintien des restrictions, l'administration américaine a adopté des assouplissements permettant à des ressortissants des pays visés d'entrer aux Etats-Unis s'ils respectent une série d'exigences.

Le Venezuela et la Corée du Nord sont également visés par ces interdictions de territoire mais leurs cas ne seront pas étudiés par la Cour suprême.

(Avec Mica Rosenberg et Susan Heavey; Pierre Sérisier et Guy Kerivel pour le service français, édité par Tangi Salaün)