Les crimes n’ont-ils vraiment “pas de genre”, comme l’affirme la campagne d’Europol ?

Avec sa nouvelle campagne, l'agence Europol veut prouver que les femmes peuvent commettre des actes "aussi graves" que les hommes.
Avec sa nouvelle campagne, l'agence Europol veut prouver que les femmes peuvent commettre des actes "aussi graves" que les hommes.

La nouvelle campagne de l’agence européenne de police criminelle met l’accent sur les femmes fugitives. Elle veut ainsi montrer que le crime n’a pas de genre. Qu’en est-il ?

L’agence européenne de police criminelle vient de lancer une nouvelle campagne, ce vendredi 18 octobre, intitulée “le crime n’a pas de genre”. Sur son site internet interactif, Europol recense des criminelles en fuite recherchées par des pays de l’Union européenne.

Afin de montrer que les femmes peuvent commettre des actes “aussi graves” que les hommes, l’agence a choisi de présenter chacune des personnes recherchées derrière un masque. Au fil de la description de leurs crimes, leurs visages se dévoilent, révélant ainsi le genre de l’accusé.

Homicide, meurtre, coups et blessures, trafic d’êtres humains ou de drogue, fraude, vol… chacun de ces délits a été commis par l’une des femmes recherchées par Europol. De quoi faire dire à l’agence que “le crime n’a pas de genre”. Mais qu’en est-il vraiment ?

Une criminalité féminine en hausse...

Les statistiques montrent que les femmes occupent une proportion très faible de la population carcérale. Un chiffre qui n’a pas beaucoup varié ces dernières décennies. Elles étaient 3,8% des détenus en France en 1960, 3,4% en 1985 et 3,6% en juillet 2019. Selon les derniers chiffres publiés par le gouvernement, 2 580 femmes sont actuellement détenues en France.

Si ces chiffres sont encore bien loin de ceux des hommes, la situation est bel et bien en train d’évoluer, selon Michèle Agrapart-Delmas, psychocriminologue et auteure de “Femmes fatales : les criminelles approchées par un expert”. “Il y a une hausse du nombre de crimes commis par des femmes”, assure celle qui a été experte à la cour de cassation. Et, surtout, “le mode opératoire est de plus en plus similaire”, nous précise la spécialiste, “les femmes commencent à tuer à l’arme blanche, à l’arme à feu, à mains nues. Il y a une masculinisation des modes opératoires”.

Comment expliquer un tel changement ? Tout simplement par l’égalité de plus en plus importante au fil des décennies entre les hommes et les femmes, selon la psychocriminologue. “Les femmes se masculinisent dans leur apparence, elles étudient comme les hommes, exercent les mêmes métiers que les hommes”, analyse-t-elle. “L’égalité des sexes mène à une égalité des crimes”.

...mais des modes opératoires différents

Balayée, l’image de l’empoisonneuse qui ne veut pas se salir les mains ? Pas tout à fait. Pour Stéphane Bourgoin, auteur spécialisé dans l’étude des tueurs en série et du profilage criminel, si la “délinquance au féminin progresse” effectivement, les méthodes et les victimes sont encore bien différentes, surtout pour les tueurs en série.

Les hommes tuent “presque exclusivement des inconnus”. Les femmes, elles, “tuent des personnes de leur entourage”, précise l’auteur, qui présente actuellement un documentaire regroupant ses entretiens avec les serial killers. Un postulat partagé par la psychocriminologue Michèle Agrapart-Delmas. “Les criminelles utilisent des méthodes plus insidieuses, comme le poison, les injections létales, la strangulation ou l’asphyxie”, complète Stéphane Bourgoin.

Pour lui, les tueuses en série se séparent en catégories : les “veuves noires”, ces personnes qui se débarrassent de plusieurs conjoints ou maris. Les “infirmières de la mort ou le personnel travaillant dans les ehpad”, énumère Stéphane Bourgoin. Et enfin, les mères infanticides. “Cette dernière catégorie est sans doute la plus sous-estimée”, selon l’auteur, “notamment parce que certaines morts peuvent sembler naturelles”. D’autant que, comme le précise de son côté l’auteure de “Femmes fatales”, les infanticides sont commis “presque toujours sans faire saigner les victimes”.

Une vision qui évolue

Et, avec l’évolution de la délinquance, vient également l’évolution de l’image des criminelles. “Il y a ce que j’appelle ‘l’excuse de féminité’ : les juges ont tendance à se laisser attendrir par les femmes. Mais ce phénomène tend à disparaître puisqu’il y a de plus en plus de femmes magistrats”, assure Michèle Agrapart-Delmas. “La vision des femmes évolue aussi chez les enquêteurs”, complète de son côté Stéphane Bourgoin. Avec sa nouvelle campagne, Europol veut poursuivre dans cette voie.

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