La bataille de Tripoli se poursuit, des milliers de déplacés

Des fusillades et des explosions ont été entendues vendredi dans les faubourgs sud de Tripoli où les forces du maréchal Khalifa Haftar affrontent depuis une semaine celles du gouvernement de Fayez al Serraj, reconnu par la communauté internationale. /Photo prise le 11 avril 2019/REUTERS/Ismail Zitouny

par Ulf Laessing et Ahmed Elumami

TRIPOLI (Reuters) - Des fusillades et des explosions ont retenti vendredi dans les faubourgs sud de Tripoli où les forces du maréchal Khalifa Haftar affrontent depuis une semaine celles du gouvernement de Fayez al Serraj, reconnu par la communauté internationale.

Dans l'après-midi, un avion des forces d'Haftar a bombardé un camp militaire d'une milice alliée au gouvernement de Tripoli à Zouara, ville côtière située à 120 km à l'ouest de la capitale, a-t-on appris auprès de témoins et d'une source militaire.

Zouara est située à l'ouest du port pétrolier et gazier de Mellitah, géré par le groupe italien ENI et la compagnie nationale pétrolière libyenne NOC. Ce complexe fournit du gaz à l'Italie via le gazoduc Greenstream.

A Tripoli même, un avion s'est approché de l'aéroport de Mitiga, dans les faubourgs est de la capitale, et la DCA a ouvert le feu. Cet aéroport est le seul encore ouvert mais les avions n'y atterrissent et n'en décollent que la nuit, par mesure de sécurité.

Selon les Nations unies, les violences autour de Tripoli ont conduit jusqu'ici 9.500 personnes à fuir les zones de combat.

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a dit avoir élaboré un plan d'urgence pour venir en aide si nécessaire aux "milliers, voire aux centaines de milliers de déplacés".

Dans le centre et le nord de la capitale, la vie suit son cours normal. Magasins, écoles et services publics sont ouverts, de même que les cafés.

Le maréchal Haftar, homme fort de l'est du pays et chef de l'Armée nationale libyenne (ANL), a annoncé la semaine dernière son intention de s'emparer de Tripoli.

Les combats se concentrent autour de l'ancien aéroport international, situé à une dizaine de km au sud du centre-ville et qui n'est plus utilisé depuis 2014.

Depuis une semaine, les affrontements ont fait 75 morts - dont 17 civils - et 323 blessés, selon un bilan fourni par l'Onu.

Lors d'un point de presse à Genève, le représentant de l'OMS en Libye a dit redouter une épidémie de tuberculose, de rougeole et de maladies liées aux troubles digestifs en raison notamment de conditions d'hygiène déplorables.

Le maréchal Haftar, âgé de 75 ans, est un ancien officier de l'armée de Mouammar Kadhafi, renversé et tué à la suite de l'intervention occidentale de 2011.

Ces dernières années, il a réussi dans l'est du pays, avec l'aide de l'Egypte et des Emirats arabes unis, à repousser les djihadistes et se présente comme un rempart contre l'islamisme.

L'ONG Médecins sans Frontières (MSF) s'inquiète pour le sort des milliers de migrants actuellement détenus dans des centres de rétention à Tripoli. "Selon certaines informations, des personnes en détention n'ont pas mangé depuis plusieurs jours (...) La Libye n'est pas un endroit sûr. L'UE ne peut pas continuer à tourner le dos aux personnes vulnérables qui fuient le pays", indique MSF sur Twitter.

Selon le Haut commissariat de l'Onu aux réfugiés (HCR), 1.500 personnes détenues dans ces camps sont menacés par le conflit. "Ce sont les gens les plus vulnérables et les plus menacés. Ils doivent être mis en sécurité d'urgence. En termes simples, il s'agit d'une question de vie ou de mort", a déclaré le haut commissaire Filippo Grandi.

(Avec Ahmed Salem à Tripoli, Tom Miles et Stephanie Nebehay à Genève; Nicolas Delame et Guy Kerivel pour le service français)