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Les chrétiens du Nigeria lancent un cri d’alarme

Eglise détruite selon des habitants par Boko Haram à Damasak. Quelque 10.000 chrétiens sont morts du fait de persécutions dans le nord du Nigeria à majorité musulmane de 2006 à 2014, selon Portes ouvertes, une organisation non gouvernementale basée à Strasbourg. /Photo d'archives/REUTERS/Joe Penney

STRASBOURG (Reuters) - Quelque 10.000 chrétiens sont morts du fait de persécutions dans le nord du Nigeria à majorité musulmane de 2006 à 2014, a déclaré lundi Portes ouvertes, une organisation non gouvernementale basée à Strasbourg. Les violences tels qu’enlèvements, massacres et attentats suicides commis par la secte Boko Haram, ne constituent qu’un aspect du problème, selon un rapport réalisé par cette association évangélique et adopté en février dernier par l’Association des chrétiens du Nigéria (Can). Les violences subies par les chrétiens dans les Etats du nord du pays, où la charia a été réinstaurée depuis les années 2000, procèdent aussi, selon Portes ouvertes, des élites locales, sur lesquelles s’était appuyé le pouvoir colonial britannique, et des bergers peuls musulmans, poussés par la désertification vers le sud majoritairement chrétien. "On estime qu’entre 2006 et 2014, entre 9.000 et 11.500 chrétiens ont été tués, 13.000 églises ont été détruites, abandonnées ou fermées" et "1,3 million de chrétiens n’ont plus de lieu de culte", nombre d’entre eux étant des "déplacés internes", estime cette étude. Le rapport n’élude pas la responsabilité qu’ont pu avoir certaines communautés chrétiennes dans le déclenchement des violences, mais souligne la justification spécifiquement religieuse des persécutions qu’elles subissent. "DJIHAD" Leur point commun, c’est "le djihad", comme conception de l’islam, et ses racines historiques d’avant la colonisation, estime Yusuf Turaki, professeur de théologie au séminaire de l’église évangélique de Jos, dans l’Etat de Plateau au Nigéria. "Les médias locaux disent que c’est à cause d’une mauvaise gouvernance et d’un mauvais leadership, mais le Nigeria n’est pas le seul Etat à connaître ces deux maux", a-t-il affirmé dans un entretien accordé à Reuters. "Boko Haram tue des musulmans qui refusent son idéologie. On dit même qu’il a tué plus de musulmans que de chrétiens. C’est peut-être vrai, mais ce n’est pas son but. Les chrétiens sont une cible, les musulmans ne le sont pas", a ajouté ce théologien qui a présidé le comité éditorial à l’origine du rapport. Selon lui, les conflits entre bergers peuls et fermiers chrétiens étaient inexistants jusqu’à l’irruption, à partir de 2006, de Boko Haram, groupe influencé par le wahhabisme et le salafisme, qui a légitimé les violences. "Il y a un droit de chasser les chrétiens. C'est entré dans les moeurs", ajoute Michel Varton, directeur de Portes ouvertes France. La Can a lancé un appel en février dernier pour demander aux Etats nigérians et au gouvernement de garantir la sécurité pour tous, comme le prévoit la constitution. Elle demande à la communauté internationale de joindre ses efforts à ceux de l’Union africaine et des Etats voisins pour "enrayer la menace" que fait peser Boko Haram sur la région. Portes ouvertes et Yusuf Turaki devraient être reçus cette semaine par le Parlement français et le ministère des Affaires étrangères pour relayer ce message. (Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)