Les Brésiliens aux urnes, Dilma Rousseff favorite

Dans une école servant de bureau de vote à Rio de Janeiro. Les Brésiliens votent ce dimanche pour le scrutin présidentiel le plus serré depuis des décennies. Outre le chef de l'Etat, les électeurs doivent désigner les gouverneurs de 27 Etats, élire 513 députés et renouveler un tiers du Sénat. /Photo prise le 5 octobre 2014/REUTERS/Pilar Olivares

par Paulo Prada et Anthony Boadle RIO DE JANEIRO (Reuters) - Les Brésiliens se sont rendus aux urnes ce dimanche pour le premier tour de l'élection présidentielle sans doute parmi les plus serrées depuis le rétablissement de la démocratie, en 1985. Ce scrutin est aussi le premier depuis que la croissance économique marque le pas, douze ans après l'arrivée au pouvoir du Parti des travailleurs. Malgré les difficultés économiques et la contestation sociale de l'an dernier, la sortante Dilma Rousseff, héritière de Lula, reste favorite mais devra vraisemblablement passer par un second tour, le 26 octobre. La plus grande incertitude pèse sur l'identité de son futur adversaire: après un début de campagne en fanfare, l'écologiste Marina Silva n'est plus du tout assurée de devancer le centriste Aecio Neves, qui a l'appui des milieux d'affaires. "C'est vraiment trop serré pour faire un pronostic. Indécision et frustration favorisent les candidats de l'opposition, mais il n'y a pas vraiment de crise pour justifier une alternance", observe le politologue Rafael Cortez. Au coude à coude dans les intentions de vote, les deux adversaires de Dilma Rousseff ont promis de renouer avec des politiques favorables aux marchés financiers qu'ils accusent la présidente sortante d'avoir négligés. Ils se sont aussi engagés à accorder davantage d'autonomie à un secteur public dans lequel les scandales de corruption se sont multipliés ces dernières années. "L'état de nos entreprises publiques est honteux", s'est indigné jeudi Aecio Neves, lors du dernier débat télévisé de la campagne, évoquant la compagnie pétrolière Petrobras en proie à une affaire de pots-de-vin de plusieurs millions de dollars. INVERSIONS DE TENDANCES Dilma Rousseff, qui bénéficie de la force de frappe du Parti des travailleurs, peut toutefois compter sur une base électorale solide parmi les classes populaires choyées par son prédécesseur Luiz Inacio "Lula" da Silva, qui est aussi son mentor. Son retour en tête des sondages, la présidente le doit notamment à une campagne agressive qui lui a permis de ravir le statut de favorite à Marina Silva. Dans la dernière ligne droite, le sénateur Neves, ancien gouverneur de l'Etat de Minas Gerais, est lui aussi passé devant Marina Silva dans les intentions de vote. L'ex-ministre de l'Environnement de Lula, qui a rompu avec le Parti des travailleurs pour adhérer au Parti socialiste brésilien (PSB), avait pourtant rebattu les cartes de la campagne électorale après le décès dans un accident d'avion, le 13 août, d'Eduardo Campos, le candidat initial du PSB. Fin août, les sondages la donnaient même en possible vainqueur du second tour. Mais la dynamique s'est enrayée courant septembre à mesure que la machine électorale du Parti des travailleurs a concentré ses attaques contre elle. Les derniers sondages créditent désormais Dilma Rousseff d'un avantage plus réduit mais toujours conséquent au second tour. Personne n'aurait pourtant donné cher de son avenir l'an dernier quand plus d'un million de Brésiliens étaient descendus dans les rues. Les manifestations, à l'origine contre l'augmentation des tarifs dans les transports publics, avaient débordé sur des thèmes beaucoup plus large et beaucoup pensaient alors que les Brésiliens ne voulaient plus du Parti des travailleurs. Il y a encore trois semaines, les chances de réélection de Dilma Rousseff pour un second mandat de quatre ans semblaient des plus minces. Mais la chef de l'Etat a peu à peu rattrapé son retard, aidée en cela par l'avantage considérable que lui procure la législation brésilienne, lui conférant un accès privilégié aux médias durant la campagne pour le premier tour. "NOUVEAU GOUVERNEMENT, NOUVELLES IDÉES" Alors qu'elle affichait une croissance de 7,5% en 2010, l'année de son élection, l'économie brésilienne est pourtant entrée en récession au deuxième trimestre de cette année, plombée par la fin du boom des matières premières et la dégradation de la confiance des milieux d'affaires face à l'interventionnisme de l'Etat dans des secteurs comme l'électricité et le bâtiment. Mais le chômage reste historiquement bas, ce qui entretient la popularité de la sortante dans les milieux populaires. Dilma Rousseff doit néanmoins convaincre ses concitoyens qu'elle peut et va faire mieux. Sous le slogan "Nouveau gouvernement, nouvelles idées", elle a promis de consolider les avantages sociaux, de développer des logements pour les revenus modestes et l'accès à internet pour tous ou encore de lutter contre la corruption. "Pour changer un pays, il faut choisir un camp. Le peuple brésilien l'a déjà fait. C'est pourquoi l'injustice et la pauvreté sont en train de disparaître de nos vies", affirmait jeudi une publicité télévisée pour la candidate du PT, au dernier jour de la campagne. Cent quarante millions d'inscrits sont attendus dans les 450.000 bureaux de vote. Outre le chef de l'Etat, ils devront désigner les gouverneurs de 27 Etats, élire 513 députés et renouveler un tiers du Sénat. Le scrutin est entièrement informatisé. Les premiers résultats du scrutin présidentiel sont attendus dès la fermeture des bureaux de vote les plus à l'ouest du pays, à 22h00 GMT. (Danielle Rouquié, Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)