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Les banques britanniques passent les stress tests mais le Brexit menace

par Huw Jones et David Milliken

LONDRES (Reuters) - Aucune banque britannique n'aura à renforcer ses fonds propres à l'issue des tests de résistance annuels effectués par la Banque d'Angleterre, une première depuis 2014, mais la BoE a aussi mis en garde mardi sur les graves conséquences économiques que pourrait avoir un Brexit sans accord entre Londres et l'Union européenne.

Les grandes banques britanniques pourraient faire face à un Brexit "désordonné" sans avoir besoin de réduire leurs activités de crédit ou d'être recapitalisées avec de l'argent public, pense la Banque d'Angleterre.

Barclays et Royal Bank of Scotland ont tout de même eu des difficultés à franchir avec succès ces "stress tests". Elles ne doivent leur réussite qu'à une augmentation de leurs fonds propres au cours de l'année 2017 alors que la BoE fonde normalement son jugement sur les capitaux détenus l'année précédente.

HSBC, Lloyds Banking Group, Santander UK (groupe Santander), Standard Chartered et la société de crédit immobilier Nationwide Building Society ont pour leur part toutes passé les tests sans encombre.

"La (BoE) (...) juge que le système bancaire peut continuer à soutenir l'économie réelle, même dans le cas improbable d'un Brexit désordonné", a dit Mark Carney, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, au cours d'une conférence de presse.

Il a néanmoins déclaré qu'il était dans l'intérêt aussi bien de la Grande-Bretagne que de l'UE de parvenir à un accord sur les modalités du Brexit en mars 2019, malgré la lenteur des progrès dans les négociations jusqu'à présent.

"Dans le cas d'un Brexit brusque et désordonné, il y a aura un impact économique sur les ménages, sur les entreprises. Il y aura des marchés perdus avant que de nouveaux marchés soient trouvés et cela ne se fera pas sans douleur", a dit Mark Carney.

Si une sortie désordonnée de la Grande-Bretagne de l'UE devait coïncider avec une profonde récession mondiale et de nouvelles amendes infligées aux banques pour leurs comportements passés, il n'est pas certain que le secteur bancaire serait alors en mesure de supporter cette conjonction d'événements, a-t-il ajouté.

PRIMES DE RISQUES EN HAUSSE SUR LES ACTIFS BRITANNIQUES

Les banques britanniques ont dû tripler leur matelas de fonds propres pour couvrir d'éventuelles pertes depuis la crise financière de 2007-2009, qui a plongé les grandes économies occidentales, notamment britannique, dans la récession.

Les résultats de ces tests de résistance devraient rassurer non seulement les banques elles-mêmes mais aussi le ministre des Finances, Philip Hammond, qui a annoncé la semaine dernière la vente prochaine pour trois milliards de livres (3,4 milliards d'euros) d'actions de RBS afin de réduire la dette publique. L'Etat, qui détient 71% de la banque nationalisée, prévoit de céder au total 15 milliards de livres d'actions de RBS sur cinq ans.

Avant le référendum de juin 2016, la BoE avait mis en garde sur les coûts potentiels d'un Brexit, s'attirant les foudres des partisans d'une sortie de la Grande-Bretagne de l'UE.

Mark Carney a évoqué mardi des signes indiquant que les investisseurs étrangers réclamaient désormais des primes de risque plus élevées pour détenir des actifs britanniques, un phénomène auquel échappent cependant les grandes entreprises multinationales et les emprunts d'Etat.

Dans son rapport semestriel sur la stabilité financière, la BoE écrit que l'appétit pour les actifs britanniques pourrait se tarir en cas de dégradation des perspectives économiques ou de perte de confiance dans la politique économique et l'ouverture commerciale de la Grande-Bretagne.

Le niveau actuel du déficit courant britannique, que les prévisionnistes du gouvernement voient à plus de 4% du PIB dans un avenir proche, constitue aussi une source concrète de risque, juge la BoE.

L'économie britannique a ralenti depuis le référendum de juin 2016 sur le Brexit, qui a provoqué une dépréciation de la livre et une hausse de l'inflation pénalisant le pouvoir d'achat des ménages.

L'Office for Budget Responsibility (OBR), l'organisme public qui établit les prévisions économiques officielles en Grande-Bretagne, a nettement abaissé la semaine dernière ses prévisions de croissance pour les années à venir.

"Tout ralentissement lié au Brexit des dépenses des ménages est une source potentielle d'importante migraine pour les banques", met en garde Laurent Frings, responsable de la recherche sur le crédit chez Aberdeen Standard Investments. "Les investisseurs doivent faire attention à ne pas se laisser trop rassurer par les (stress) tests."

La BoE a annoncé qu'elle réfléchirait au cours du premier semestre 2018 à la nécessité de réclamer aux banques une augmentation de leur matelas de fonds propres à la lumière des risques émanant du Brexit.

(Bertrand Boucey pour le service français, édité par Véronique Tison)