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Les accusations du DoJ sur le Suboxone font plonger Indivior en Bourse

(Reuters) - Le groupe pharmaceutique britannique Indivior perdait plus de 70% mercredi en fin de matinée à la Bourse de Londres, après que le département américain de la Justice l'a accusé d'avoir illégalement poussé les ventes du Suboxone Film, son principal médicament destiné à traiter la dépendance aux opiacés.

Selon l'acte d'accusation déposé mardi devant un tribunal fédéral d'Abingdon, en Virginie, Indivior aurait engrangé des milliards de dollars en faisant croire aux médecins et aux programmes de santé que le Suboxone Film était plus efficace et moins dangereux que des médicaments similaires.

L'action, déjà pénalisée par la prévision d'un ralentissement des ventes de Suboxone en raison de l'arrivée cette année sur le marché d'une version générique, abandonnait près de 79% à 27,19 pence à Londres vers 12h20 GMT, son cours le plus bas depuis l'entrée en Bourse du groupe en 2014.

Dans son sillage, l'action Reckitt Benckiser, duquel Indivior a été scindé il y a cinq ans, cédait plus de 5% à 60,79 livres, troisième plus forte baisse de l'indice des valeurs européennes Stoxx 600 (+0,17%).

Indivior s'est fortement développé aux Etats-Unis où les autorités intensifient leurs efforts pour lutter contre une épidémie de dépendance aux opioïdes, déclarée par le président Donald Trump comme une urgence de santé publique, qui a fait des dizaines de milliers de morts par an aux Etats-Unis.

Les ventes dans le pays représentent 80% du chiffre d'affaires total de groupe.

Le gouvernement américain accuse Indivior et sa filiale Indivior Inc de complot, de fraude dans les soins de santé, de fraude postale et par voie électronique, et indique qu'il cherchera à ce qu'il écope d'une amende d'au moins trois milliards de dollars (2,7 milliards d'euros) .

Les analystes estiment que le groupe aura du mal à payer un tel montant. Il a réalisé un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars en 2018 et disposait d'une trésorerie nette de 681 millions de dollars à la fin de l'année dernière.

"Les sanctions éventuelles sont sévères mais un règlement est également encore possible", écrivent des analystes de Jefferies dans une note.

"Nous pensons que cela exigerait une importante augmentation de capital, voire cela pourrait conduire à la faillite de l'entreprise."

Avant la mise en accusation de mardi, le score de crédit combiné d'Indivior - qui mesure le risque de défaillance d'une entreprise au cours de l'année suivante sur une échelle de 100 (très improbable) à 1 (très probable) - était "5", selon les données de Refinitiv Eikon.

L'acte d'accusation ne fait pas mention de Reckitt Benckiser mais précise que ces pratiques illégales ont commencé avant la scission.

Reckitt Benckiser a minimisé l'impact que ces accusations pourraient avoir sur son activité de produits pour nourrissons aux Etats-Unis, estimant que le risque était théorique et improbable.

"EXTRÊME DÉCEPTION"

Dans un communiqué, Indivior se dit "extrêmement déçu" par la décision du département de la Justice et ajoute qu'il la contestera "vigoureusement".

Le Suboxone Film est un opioïde approuvé par la Food and Drug Administration américaine, destiné à aider les malades à mettre fin à leur dépendance aux opioïdes. Selon l'acte d'accusation, le système mis en place par Indivior a conduit des milliers de patients dépendants aux opioïdes à utiliser ce médicament.

Au cours de ces deux dernières années, Indivior a bataillé aux Etats-Unis contre Dr.Reddy's, Teva et Mylan pour les empêcher de lancer des versions génériques de son traitement phare.

Après une série de jugements défavorables, le fabricant de médicaments a prévenu plus tôt cette année qu'il devrait rapidement perdre des parts de marché.

Indivior place désormais ses espoirs dans l'injection durable de Sublocade, un traitement de la dépendance aux opioïdes, qui pourrait devenir un nouveau médicament phare, lui permettant de réduire sa dépendance au Suboxone.

(Justin George Varghese à Bangalore; Catherine Mallebay-Vacqueur pour le service français, édité par Benoit Van Overstraeten)