L'envolée d'Adyen pour ses débuts boursiers surprend et interroge

par Toby Sterling

AMSTERDAM (Reuters) - Adyen, société néerlandaise spécialisée dans le traitement des paiements pour des géants du web comme Netflix, Facebook ou eBay, a vu sa valeur doubler à plus de 14 milliards d'euros en quelques dizaines de minutes mercredi lors de sa première séance de cotation.

Au terme d'une offre publique de vente qui a suscité une demande élevée et rapporté 947 millions d'euros, le prix d'introduction d'Adyen a été fixé mardi à 240 euros, le haut de la fourchette initiale, impliquant une capitalisation de 7,1 milliards d'euros. Après une heure de transactions mercredi sur Euronext, le cours du titre a atteint 480 euros.

Vers 13h20 GMT, il était revenu à 451,70 euros, soit une hausse encore spectaculaire de 88,21%.

Alors que plusieurs projets d'introduction européens ont été suspendus le mois dernier, celui d'Adyen a suscité un vif intérêt et certains banquiers s'attendent à ce que son succès profite à d'autres mises sur le marché en préparation, comme celle du distributeur en ligne de meubles allemand Home24, dont la mise à prix était attendue ce mercredi.

La hausse du titre Adyen suscite toutefois des interrogations sur une possible sous-estimation initiale, qu'elle ait été volontaire ou pas.

Les actionnaires qui ont vendu des titres lors de l'IPO "possèdent encore environ 85%, donc s'ils regardent ce qu'ils possèdent, ils doivent être assez satisfaits", a commenté un banquier dont l'employeur a participé à l'opération.

"Ce qui est sûr, c'est que c'est une bonne chose pour le sentiment général envers les IPO en Europe."

Un autre banquier qui n'a pas participé à l'IPO d'Adyen a jugé le prix d'introduction sous-évalué.

LE PRIX D'INTRODUCTION REPRÉSENTE 70 FOIS L'EBITDA 2017

"Il est difficile de se mettre à la place des banques qui ont fixé le prix (...) Habituellement, une IPO réussie monte de 10-15%", a-t-il dit. "Mais ça ne veut pas dire que le marché des IPO est en pleine forme. Les investisseurs sont très sélectifs."

Une autre source proche du dossier a toutefois assuré que le prix n'avait pas été mal évalué.

"Ils voulaient que ça s'envole" a-t-elle ajouté en référence aux fondateurs et aux actionnaires historiques de l'entreprise.

Avant celle d'Adyen, les dix plus importantes introductions en Bourse par les montants levés cette année en Europe ont gagné moins de 6% en moyenne lors de leur première séance de cotation par rapport au prix d'introduction, selon les données Eikon et les calculs de Reuters.

L'IPO d'Adyen était réservée aux investisseurs institutionnels et la société a déclaré mardi qu'elle avait été sursouscrite "plusieurs fois".

La société, qui commercialise auprès des distributeurs des services de paiement, a profité de sa forte croissance et des noms prestigieux de ses plus gros clients, mais aussi du volume limité de titres mis en vente, de la bonne santé générale des valeurs technologiques en Bourse ces derniers temps et du contexte de concentration du marché des paiements.

Adyen, qui est rentable et pas endetté, prévoit pour cette année une croissance de 25% à 35% de son chiffre d'affaires.

D'autres éléments du dossier peuvent toutefois inciter à la prudence: le prix d'introduction représente 70 fois l'excédent brut d'exploitation (Ebitda) 2017, qui était de 99,4 millions d'euros.

UN MARCHÉ EN PLEINE CONCENTRATION

Et parmi les facteurs de risque énumérés dans le document de référence de l'IPO figurent la concurrence féroce sur son marché ainsi que le fait que ses dix plus gros clients, dont font partie Vodafone, Uber et Spotify, génèrent à eux seuls un tiers environ de son chiffre d'affaires.

Ces gros clients pourraient passer à la concurrence, comme l'a fait eBay quand il a choisi en janvier d'abandonner PayPal au profit d'Adyen. On a appris par la suite que le groupe américain s'était vu offrir la possibilité de prendre jusqu'à 5% du capital du néerlandais en échange.

Parmi les grands concurrents mondiaux d'Adyen figure l'américain WorldPay, racheté l'an dernier par le spécialiste du traitement des paiements par carte de crédit Vantiv pour 10,4 milliards de dollars.

PayPal, de son côté, a conclu le mois dernier le rachat du fournisseur de terminaux de paiement iZettle pour 2,2 milliards de dollars. Quant au français Worldline, filiale d'Atos, il a racheté le suisse Six pour 2,3 milliards d'euros.

Les actionnaires historiques d'Adyen, parmi lesquels se trouvent General Atlantic, Index Ventures et Iconiq Capital, ont vendu au total 13,4% du capital lors de l'IPO. Le reste de leurs participations est soumis à un "lock-up" de six mois, ce qui limitera la liquidité du titre pendant cette période.

Mercredi, les volumes d'échanges dépassaient à peine 1,2 million d'actions en milieu d'après-midi.

"La liquidité est faible. Les gens gardent jalousement leurs titres et c'est ce qui fait monter l'action", a commenté une source proche de l'opération.

(Avec Ben Martin, Dasha Afanasieva et Robert Venes; Marc Angrand pour le service français, édité par Véronique Tison)