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L'Eglise ne doit pas craindre le changement, dit le pape

par Philip Pullella CITE DU VATICAN (Reuters) - Le pape François a clôturé dimanche à Rome le synode extraordinaire sur la famille qui a révélé de profondes divisions entre les évêques sur l'accueil des homosexuels et des divorcés remariés et a marqué une victoire du courant conservateur face aux réformistes. En ce jour de béatification de Paul VI, qui a mené à son terme dans les années 1960 le concile Vatican II ouvert par son prédécesseur Jean XXIII, François a appelé l'Eglise catholique à ne pas avoir peur du changement et des nouveaux défis qui se présentent au monde. Il a rappelé ces paroles de Paul VI: "En observant attentivement les signes des temps, nous nous efforçons d'adapter les orientations et les méthodes (...) aux besoins croissants de notre époque et à l'évolution de la société". Le sermon du pape, devant 70.000 personnes rassemblées place Saint-Pierre, a été en grande partie consacré au synode sur la famille. Dieu, a lancé le pape François, "n'a pas peur de la nouveauté". "C'est pourquoi il nous surprend continuellement, nous ouvrant et nous conduisant par des chemins imprévus. Il nous renouvelle, c'est-à-dire qu'il nous fait 'nouveaux', continuellement. Un chrétien qui vit l'Evangile est 'la nouveauté de Dieu' dans l'Eglise et dans le monde. Et Dieu aime beaucoup cette 'nouveauté' !". Il a ajouté que l'Eglise devait "répondre, avec courage, aux innombrables nouveaux défis". Samedi, devant les quelque 200 évêques réunis depuis près de deux semaines en synode, il avait mis en garde à la fois contre la "rigidité" de certains conservateurs et contre "la bonne volonté destructrice" de ceux qui cherchent le changement à tout prix. "PRENDRE SOIN DES BLESSURES QUI SAIGNENT" "Pasteurs et laïcs de chaque partie du monde ont apporté ici à Rome la voix de leurs Eglises particulières pour aider les familles d’aujourd’hui à marcher sur la route de l'Evangile, le regard fixé sur Jésus", a-t-il déclaré dimanche à propos du synode extraordinaire. "Ce fut une grande expérience dans laquelle nous avons vécu la synodalité et la collégialité, et nous avons senti la force de l’Esprit Saint qui guide et renouvelle toujours l’Eglise appelée, sans délai, à prendre soin des blessures qui saignent et à rallumer l’espérance pour beaucoup de gens sans espérance." Le pape émérite Benoît XVI assistait à la messe de béatification de Paul VI. C'était sa quatrième apparition publique pour un événement solennel depuis sa démission en février 2013. Le synode extraordinaire des évêques sur la famille a voté samedi soir sur un rapport final ("relatio synodi"), présenté comme un document de travail, dont les termes sont plus réservés envers les homosexuels que ceux du projet controversé qui avait été présenté lundi dernier. Après la publication de ce rapport d'étape en début de semaine, les évêques conservateurs s'étaient engagés à en modifier la formulation qui ne pouvait selon eux que semer la confusion dans les esprits, risquait d'affaiblir la famille et ne reflétait pas la réalité des travaux du synode. Un "rééquilibrage" a donc été opéré pour répondre à leurs inquiétudes et biffer les formules qui avaient suscité leur désapprobation. Les évêques ont voté sur les 62 paragraphes de cette "relatio". Chacun de ces paragraphes, pour être approuvé, devait obtenir les deux tiers des voix. Les trois paragraphes qui n'ont pas obtenu cette majorité des deux tiers sont ceux qui portent sur l'accès aux sacrements des divorcés remariés et sur l'accueil des homosexuels. SYNODE ORDINAIRE EN OCTOBRE 2015 Ce document va être soumis à la réflexion des catholiques à travers le monde avant un autre synode, définitif, consacré à la famille en octobre 2015, à l'issue duquel le pape annoncera ses décisions, a précisé le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi. Les associations homosexuelles ont fait part de leur profonde déception. Le blog catholique conservateur Rorate Caeli, pour sa part, a salué "un revers considérable pour les révolutionnaires". Lors de son allocution finale au synode, samedi, le pape François a dit qu'il aurait été "inquiet et attristé" si cette réunion n'avait pas donné lieu à des discussions franches et passionnées. Paul VI, pape de 1963 à 1978, s'était inquiété au cours de son pontificat des dérives et des fausses interprétations du concile Vatican II qui avait marqué l'"aggiornamento" de l'Eglise. En juin 1972, il avait dit avoir le sentiment que "par quelque fissure, la fumée de Satan est entrée dans le temple de Dieu". "Il y a le doute, l'incertitude, la problématique, l'agitation, l'insatisfaction, l'affrontement. On n'a plus confiance en l'Eglise. On fait confiance au premier prophète profane qui vient nous parler dans quelque journal ou par quelque slogan social, pour le poursuivre et lui demander s'il a la formule de la vraie vie", avait alors déploré Paul VI. "Nous ne réalisons pas que nous en sommes au contraire les propriétaires et les maîtres. Le doute est entré dans nos esprits, et il est entré par les fenêtres qui devaient être ouvertes à la lumière." (Guy Kerivel pour le service français)