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Le secteur bancaire suisse reste sous la menace du fisc aux USA

par Joshua Franklin et Patrick Temple-West

ZURICH/WASHINGTON (Reuters) - Les amendes et pénalités qu'encourent les banques suisses encore soupçonnées par les autorités américaines de complicité d'évasion fiscale risquent d'être plus lourdes qu'estimé initialement, ce qui pourrait affaiblir leur bilan et obliger certains établissements à réduire leur dividende.

En annonçant la semaine dernière qu'il verserait un peu plus de 2,5 milliards de dollars pour clore l'enquête le concernant, soit plus de deux fois le montant provisionné, le groupe Credit Suisse a semé le trouble dans le secteur.

Le simple fait que la deuxième banque helvétique soit parvenue à un accord constitue en soit un progrès mais le coût du règlement inquiète certains des établissements financiers qui restent dans le collimateur des autorités américaines.

Parmi les 13 banques visées par des enquêtes figurent Wegelin & Co et Frey & Co, qui ont annoncé leur dépôt de bilan depuis l'ouverture de l'enquête.

Tous les noms des établissements concernés n'ont pas été rendus publics mais la liste inclut entre autres Julius Baer, la Banque cantonale de Bâle, la Banque cantonale de Zurich (ZKB) et les filiales suisses du groupe LLB, basé au Liechtenstein, et du britannique HSBC.

JULIUS BAER EN PREMIÈRE LIGNE

Julius Baer est la plus importante banque concernée, et son cours de Bourse a d'ailleurs atteint son plus bas niveau depuis début avril peu après l'annonce de l'issue du dossier Credit Suisse.

Le titre a rebondi depuis mais les craintes d'une amende plus lourde qu'attendu initialement sont toujours là, même si Julius Baer estime que les deux dossiers ne peuvent être comparés.

"Avant, le consensus (pour le montant de l'amende) se situait entre 300 et 500 millions de francs suisses au plus", explique Andreas Brun, analyste de ZKB, à propos de Julius Baer. "Aujourd'hui, certains analystes disent qu'il pourrait dépasser un milliard. Simplement parce que Credit Suisse a été une mauvaise surprise."

Julius Baer souligne pour sa part que son cas ne peut être comparé à celui de Credit Suisse. L'an dernier, il a provisionné 15 millions de francs au titre des frais juridiques liés au dossier américain mais il a précisé n'avoir passé aucune provision pour couvrir une amende éventuelle, faute de pouvoir en estimer le montant.

Des gérants et des analystes notent qu'une facture de plus d'un milliard de francs serait supérieur à ce que Julius Baer pourrait débourser sans avoir à réduire son dividende ou à faire appel au marché.

La banque n'a réalisé qu'environ 210 millions de dollars de bénéfices en 2013.

"Ce qu'ils peuvent économiser en supprimant complètement le dividende ne fait pas vraiment bouger le curseur", estime Kilian Maier, analyste de MainFirst, qui estime que l'amende infligée à Julius Baer pourrait avoisiner 555 millions de dollars sans exclure un montant bien supérieur.

"Si l'on pense que cela remettra en cause le dividende, la question suivante est: auront-ils besoin d'une augmentation de capital?", ajoute-t-il.

"LA COOPÉRATION COMPTE"

ZKB n'a annoncé aucune provision liée à l'enquête américaine la visant, tandis que LLB a provisionné environ 27 millions de francs suisses au total.

HSBC s'est refusé à tout commentaire.

La Banque cantonale de Bâle, qui a quant à elle provisionné 100 millions de francs l'an dernier, a dit se réjouir de l'issue du dossier Credit Suisse.

"C'est un signe (...) pour les banques montrant qu'elles peuvent arriver à refermer leur dossier", a déclaré à Reuters son directeur général, Guy Lachappelle. "Mais les deux cas ne sont pas comparables."

Un avocat représentant plusieurs banques suisses a déclaré que certaines d'entre elles négociaient actuellement avec la justice américaine mais qu'elles attendaient la conclusion du dossier Credit Suisse.

La ministre des Finances suisse, Eveline Widmer-Schlumpf, a dit la semaine dernière espérer que les négociations puissent être conclues dans les mois à venir. Elle a aussi mis en garde contre une extrapolation du cas de Credit Suisse à d'autres institutions, en expliquant que le montant de l'amende dépendrait entre autres du degré de coopération de la banque.

Une opinion partagée par James Cole, l'"Attorney General" adjoint des Etats-Unis: le 21 mai, lors d'un débat avec des étudiants texans, il a expliqué que "le manque de coopération réelle de Credit Suisse avait été un facteur important pour déterminer l'issue du dossier".

"Pour dire les choses simplement, la coopération compte", a-t-il ajouté.

(avec Rupert Pretterklieber et Oliver Hirt à Zurich, Marc Angrand pour le service français, édité par Marc Joanny)