Le ralentissement économique se confirme, en Chine et ailleurs

L'activité du secteur de l'industrie manufacturière s'est contractée en Chine en août tandis que sa croissance a faibli dans la zone euro comme en Grande-Bretagne, une tendance qui contribue aux turbulences sur les marchés financiers et plaide pour le maintien de politiques monétaires ultra-accommodantes. /Photo d'archives/REUTERS/Pichi Chuang

par Jonathan Cable et Winni Zhou

LONDRES/PEKIN (Reuters) - L'activité du secteur de l'industrie manufacturière s'est contractée en Chine en août tandis que sa croissance a faibli dans la zone euro comme en Grande-Bretagne, une tendance qui contribue aux turbulences sur les marchés financiers et plaide pour le maintien de politiques monétaires ultra-accommodantes.

Les résultats des enquêtes mensuelles auprès des directeurs d'achats (PMI) dans le monde entier, très suivis par les investisseurs, qui nourrissent les craintes d'un atterrissage brutal de l'économie chinoise, ont de nouveau alimenté la baisse des Bourses et des cours des matières premières mardi.

Aux Etats-Unis, deux enquêtes équivalentes ont confirmé un ralentissement de la croissance alors que la Réserve fédérale pourrait relever ses taux d'intérêt le 17 septembre prochain, pour la première fois en près de dix ans.

"Tout va dans le sens d'une période clairement difficile pour l'économie mondiale", explique Peter Dixon, économiste de Commerzbank. "Les banques centrales qui envisagent de relever leurs taux d'intérêt dans un avenir proche vont donc étudier ces chiffres et cela pourrait les conduire à prendre le temps de la réflexion."

En Chine, l'indice PMI officiel a montré une contraction de l'activité manufacturière en août, pour la première fois depuis trois ans. Quant à l'enquête équivalente du cabinet privé Markit, qui privilégie des entreprises plus petites et privées, elle reflète les plus mauvaises performances du secteur depuis six ans et demi.

Même le secteur chinois des services, qui gardait la tête hors de l'eau ces derniers mois alors que le reste de l'économie semblait s'enfoncer, a vu sa croissance tomber à son rythme le plus faible depuis plus d'un an, selon les données de Markit.

UN RALENTISSEMENT JUGÉ DURABLE EN CHINE

"Les chiffres d'aujourd'hui suggèrent que l'activité manufacturière reste faible en Chine. Nous prévoyons désormais que la croissance du PIB sera de 6,4% en rythme annuel au troisième trimestre", commentent les économistes d'ANZ. Pékin vise officiellement une croissance de 7% cette année.

Les chiffres chinois du mois dernier pourraient avoir été affectés par l'arrêt de certaines usines dans le but d'assainir l'air dans la région de Pékin avant les célébrations, cette semaine, du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que par la catastrophe de Tianjin, le 12 août.

Mais ils n'en restent pas moins préoccupants pour de nombreux investisseurs après la chute de près de 40% des marchés boursiers chinois depuis la mi-juin et la dévaluation surprise du yuan annoncée le 11 août.

"La faiblesse généralisée des indicateurs suggère que la tendance au ralentissement de l'économie n'est pas uniquement le fait de distorsions temporaires", estiment ainsi les analystes de Credit Suisse.

D'autres enquêtes de Markit traduisent les difficultés de l'industrie ailleurs en Asie: le secteur affiche désormais 11 mois consécutifs de contraction en Indonésie et six en Corée du Sud; à Taiwan, le PMI manufacturier est au plus bas depuis près de trois ans et en Inde, la croissance ralentit.

Le Japon fait exception avec un PMI au plus haut depuis sept mois, qui alimente l'espoir d'un rebond après une contraction de l'économie au deuxième trimestre.

LE CHÔMAGE RECULE EN ZONE EURO

Dans la zone euro, la croissance de l'industrie manufacturière a ralenti le mois dernier, l'indice PMI revenant à 52,3 (un chiffre supérieur à 50 traduit une expansion), en dépit de la faiblesse des hausses de prix pratiquées par les entreprises, une situation doublement préoccupante pour la Banque centrale européenne (BCE), qui cherche à la fois à soutenir l'activité et à relancer l'inflation.

Le Conseil des gouverneurs de la BCE se réunit jeudi, l'occasion de faire le point sur l'efficacité des 60 milliards d'euros d'achats d'actifs sur les marchés réalisés chaque mois par l'institution.

L'inflation dans la zone euro, à 0,2% seulement en rythme annuel selon l'estimation publiée lundi, est très loin de l'objectif de la BCE, à savoir un taux légèrement inférieur à 2%. Dans ces conditions, la banque centrale pourrait devoir envisager de prolonger l'assouplissement quantitatif (QE) au-delà de septembre 2016, l'échéance évoquée jusqu'à présent.

Point positif pour la zone euro: le taux de chômage y a poursuivi son reflux le mois dernier, revenant à 10,9%, son plus bas niveau depuis plus de trois ans.

En Grande-Bretagne, le secteur manufacturier a poursuivi sa croissance en août mais celle-ci s'est tassée.

Le ralentissement est aussi à l'oeuvre aux Etats-Unis, où l'indice PMI du secteur est revenu de 53,8 à 53,0 tandis que l'indice ISM reculait à 51,1 après 52,7 en juillet.

"L'enquête du mois d'août souligne que le secteur manufacturier américain continue de souffrir sous le poids de la vigueur du dollar et de la montée des incertitudes pesant sur l'économie mondiale, mais la résistance de la consommation intérieure et les pressions limitées sur les coûts le maintiennent sur la voie de la reprise", commente Tim Moore, économiste de Markit.

(Marc Angrand pour le service français, édité par Bertrand Boucey)