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Le quotidien reprend ses droits dans l'est de Mossoul

À Mossoul. Dans certains secteurs, on pourrait presque oublier que les combats continuent à faire rage à Mossoul, dont les djihadistes de l'Etat islamique tiennent encore une bonne moitié. /Photo prise le 12 janvier 2017/REUTERS/Ahmed Saad

par Isabel Coles MOSSOUL (Reuters) - Dans certains secteurs, on pourrait presque oublier que les combats continuent à faire rage à Mossoul, dont les djihadistes de l'Etat islamique tiennent encore une bonne moitié. Le trafic automobile est dense, des cyclistes se faufilent entre les voitures et les étals sont pleins de produits frais. Tandis que les forces spéciales poursuivent la reconquête du dernier grand bastion urbain de l'EI, un semblant de normalité règne dans les quartiers orientaux repris au début de l'offensive, lancée le 17 octobre. Le souvenir des combats et du joug des extrémistes reste pourtant bien frais. "Nous essayons d'oublier. Il faudra du temps. Certaines choses sont ancrées dans nos têtes", explique Ouissam, un boucher de 19 ans interrogé sur le marché de Zouhour, où les clients affluent sans crainte de la Hisba, instance qui était chargée de veiller au respect de la loi islamique. Sur un terrain de foot voisin, de jeunes joueurs pratiquent en short, ce que les djihadistes interdisaient. Les logos jugés non-islamiques qui ornaient autrefois leurs maillots ne sont toutefois pas réapparus. Les extrémistes étaient particulièrement attentifs à ceux qui ressemblent de près ou de loin à une croix. Il leur arrivait parfois à eux aussi de venir jouer. Tout le monde s'éloignait alors du terrain, de peur qu'il ne soit pris pour cible par les avions de la coalition internationale, raconte l'un des footballeurs prénommé Ossama. Les matches étaient en outre interrompus pour les prières et ceux qui ne se pliaient pas à la règle devaient garder un oeil sur le ballon et l'autre sur la rue pour repérer les patrouilles, poursuit-il. "UNE SENSATION INDESCRIPTIBLE" Le gazon synthétique porte toujours les stigmates d'un tir de mortier et les fenêtres des alentours ont été soufflées par un attentat à la voiture piégée commis début novembre, quand les forces irakiennes ont repris Zouhour. Beaucoup craignaient que la bataille ne vide Mossoul de son million et demi d'habitants, mais la plupart sont restés. Les rares qui sont partis commencent en outre à revenir, bien que l'électricité et l'eau courante n'aient pas été rétablies. Les services municipaux sont à nouveau au travail, mais une bonne part du matériel a été endommagé et la mairie est contrainte d'emprunter des véhicules dans les provinces voisines pour remplacer celles qui ont été utilisées pour commettre des attentats. A un carrefour très passant, des ouvriers réparent une conduite d'eau éventrée par une frappe aérienne. Un taxi longe le chantier. Ses passagers reprennent à tue-tête l'air qui passe à la radio et dansent sur leurs sièges. "C'est une sensation indescriptible. Je n'arrive pas à l'exprimer", dit l'un d'eux, qui vient d'un quartier reconquis récemment. Des drapeaux blancs flottent encore sur certaines voitures et le fracas des combats qui font rage sur la ligne de front reste audible. S'il n'y a pas eu d'exode massif, des milliers d'habitants continuent à les fuir et, pour eux, le retour à la normale n'est pas d'actualité. Oumm Mouhammed, qui a quitté cette semaine le quartier de Sumer, est assise à un point de rassemblement pour déplacés situé aux abords de la ville. Elle n'a pu emporter que quelques vêtements, un coran et trois perruches aux couleurs vives dans leur cage. A la différence de beaucoup de femmes, elle a retiré le voile intégral imposé par l'EI. Son mari, explique-t-elle, l'a quittée pour épouser la veuve d'un djihadiste tué au combat, mais le divorce prononcé par un tribunal islamique n'est pas reconnu par les autorités irakiennes. "Je suis divorcée et mariée. C'est une nouvelle vie, une vie d'incertitude", ajoute-t-elle. (Jean-Philippe Lefief pour le service français)