Les propos du président du Crif Roger Cukierman ne passent pas

par Elizabeth Pineau et Gérard Bon PARIS (Reuters) - Le président du Crif, Roger Cukierman, s'est retrouvé lundi sous le feu croisé de personnalités juives et musulmanes après avoir jugé Marine Le Pen "irréprochable" et estimé que tous les actes antisémites étaient aujourd'hui commis par de jeunes musulmans. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a boycotté le 30e dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), où Roger Cukierman a fait une double mise au point au terme d'une journée de polémiques. Concernant la présidente du Front national, il a ainsi déclaré : "Marine Le Pen n'est pas une personne fréquentable, ni irréprochable, aussi longtemps qu'elle continuera à ne pas se désolidariser des propos de son père (Jean-Marie Le Pen-NDLR) pour lesquels il a été condamné par la justice." "Nous ne partageons pas les mêmes valeurs morales, donc nous continuerons à ne pas appeler à voter pour le Front national", a-t-il ajouté, alors que le FN est donné en tête aux élections départementales. En début de journée, Roger Cukierman avait déclaré sur Europe 1 : "Je crois qu'on est tous conscient dans le monde juif que derrière Marine Le Pen, qui est irréprochable personnellement, il y a tous les négationnistes, tous les vichystes, tous les pétainistes". Le président du Crif n'avait pas mis en cause le FN lorsqu'il s'agit des actes antisémites: "Le Front national est un parti pour lequel je ne voterai jamais, mais c'est un parti qui aujourd'hui ne commet pas de violences". "Il faut dire les choses: toutes les violences aujourd'hui sont commises par des jeunes musulmans. Bien sûr, c'est une toute petite minorité de la communauté musulmane et les musulmans en sont les premières victimes", avait-il ajouté. Roger Cukierman a également estimé que le terme d'islamo-fascisme lancé la semaine dernière par le Premier ministre Manuel Valls "correspond assez bien à la réalité". Des propos jugés "irresponsables et inadmissibles" par le CFCM dont le président, Dalil Boubakeur, a décidé de boycotter le dîner du Crif. "MAUVAIS PROCÈS" Les deux hommes se sont parlés au téléphone, a fait savoir Roger Cukierman, jugeant qu'on lui faisait un "mauvais procès." "Je n'ai fait que mettre l'éclairage sur le fait que tous les terroristes qui ont commis des meurtres dans la période récente se réclament de l'islam et que les premières victimes de ces terroristes, ce sont les musulmans", a-t-il souligné. "J'ai dit à M. Boubakeur que notre amitié, qui est ancienne et sincère, devrait surmonter ce problème car ce qui compte c'est de vivre ensemble. Juifs et musulmans, nous sommes sur le même bateau et j'espère que le contact sera rapidement rétabli." Avant de prendre la parole, Roger Cuckierman est allé accueillir le président François Hollande à son arrivée au dîner, organisé dans un hôtel parisien. Les deux dirigeants se sont isolés durant quelques minutes. Toute la journée, le président du Crif a essuyé de vives critiques. "Non, Monsieur Cukierman : Marine Le Pen n'est pas irréprochable", a réagi le réseau juif européen pour Israël, pour la paix et pour la solution à deux Etats, soulignant que la chef de file du FN "n'a pas rompu avec son père". "En jugeant Marine Le Pen 'irréprochable', le président du Crif cause du tort à l'institution qu'il préside. Marine Le Pen n'a pas rompu avec son père", a dit Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat et fils du chasseur de nazis Serge Klarsfeld. Sur Sud Radio, l'ex-avocat a jugé que le "noyau dur" du FN était "encore très antisémite, entre De Gaulle et Pétain". A son arrivée au dîner du Crif, où il n'est resté qu'à l'apéritif, Nicolas Sarkozy s'est adressé à Serge et Arno Klarsfeld. "Heureusement qu'il y a des gens dans la communauté qui tiennent des propos sensés", a dit l'ancien président, qui a ensuite eu un échange assez vif avec le numéro deux du Crif, Francis Khalifa. (Edité par Yves Clarisse et Tangi Salaün)