A Paris, le premier adjoint d'Hidalgo claque la porte

PARIS (Reuters) - Le premier adjoint à la mairie de Paris, Bruno Julliard, a annoncé lundi sa démission à la suite de désaccords avec Anne Hidalgo, à qui il adresse dans une interview au Monde une salve de reproches, du "déni" à "une certaine inconstance" en passant par un "déficit d'échange et d'écoute plus général".

Bruno Julliard dit en avoir fait l'annonce lundi matin à la maire socialiste, dont l'image a pâti ces derniers mois entre autres des difficultés de mise en service du Vélib' de nouvelle génération alors même que se profilent les municipales de 2020.

"Par mon départ, et cet acte de sincérité, j'espère provoquer un électrochoc nécessaire, utile à la gauche et au camp progressiste et écologiste", déclare l'ancien adjoint à la culture dans son entretien.

Selon le récit qu'en fait cet homme de 37 ans entré à la mairie au début du second mandat de Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo lui avait proposé de diriger la campagne des municipales de 2020.

"J'ai pris, cet été, le temps de la réflexion avant de lui annoncer ce matin que je déclinais sa proposition. Ma démission est la suite logique de cette décision", relate Bruno Julliard, qui parle d'un choix "douloureux" après plusieurs mois de "de vifs désaccords d'orientation et de méthodes de gouvernance".

"Au lieu de s’ouvrir et d’engager le dialogue avec les Parisiens pour surmonter les difficultés actuelles, c’est le repli sur l’Hôtel de ville et le déni de sa part qui l’ont trop souvent emporté", cingle l'ex-premier adjoint, qui fut le porte-parole d'Anne Hidalgo lors de sa campagne victorieuse de 2014.

"Notre complémentarité initiale est devenue une incompatibilité", poursuit-il.

"DÉFICIT D’HUMILITÉ ET DE COMPRÉHENSION"

Le reste de l'interview ressemble à un réquisitoire : "L’exécution est défaillante ; "les approximations ou erreurs sont trop nombreuses" ; "j'ai aussi fait part, à de multiples reprises, de mon inquiétude face à une certaine inconstance et à une manière de gouverner à l’instinct."

"Face aux mécontentements, j’ai eu l’occasion de regretter un déficit d’humilité et de compréhension", déclare-t-il encore.

Au sujet du Vélib', Bruno Julliard n'exonère pas la municipalité des importants retards de calendrier de mise en service rencontrés depuis la reprise du marché, le 1er janvier dernier, par l'opérateur Smovengo, préféré à JC Decaux.

"Lorsqu’un service public majeur est compromis dans de telles proportions, c’est qu’il y a incontestablement eu des erreurs et un manque de vigilance", juge-t-il.

"Ma démission ne répond à aucune stratégie personnelle, aucun plan caché", répond-il enfin à une question sur une candidature en 2020.

Dans un communiqué publié peu après la publication de l'interview au Monde, Anne Hidalgo a dit prendre acte de cette démission et décidé de confier les anciennes fonctions de Bruno Julliard à son adjoint au budget, Emmanuel Grégoire.

"C'est la décision d'un homme libre, courageuse politiquement, honnête intellectuellement", a dit à Reuters le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, qui ne fait pas mystère de son intérêt pour la mairie.

Pour le groupe Les Républicains au Conseil de Paris, qui a publié un communiqué, le départ de l'ancien bras droit sonne comme "un désaveu pour Anne Hidalgo".

La pré-campagne des prochaines municipales dans la capitale a déjà démarré si l'on en juge par le nombre de prétendants pressentis ou déclarés, notamment à La République en marche (LaRem).

Selon un sondage Ifop publié par Le Journal du dimanche, Benjamin Griveaux serait au coude-à-coude avec Anne Hidalgo si le premier tour avait lieu dimanche prochain, avec 23% des voix chacun.

(Simon Carraud avec Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)