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Le président Temer ébranlé par un nouveau témoignage au Brésil

La Cour suprême du Brésil a dévoilé vendredi un témoignage explosif accusant le président Michel Temer et deux anciens présidents, Luiz Inacio Lula da Silva et Dilma Rousseff, d'avoir reçu l'équivalent de plusieurs millions d'euros de pots-de-vin. /Photo prise le 18 mai 2017/REUTERS/Ueslei Marcelino

par Brad Brooks et Lisandra Praguassu SAO PAULO/BRASILIA (Reuters) - La Cour suprême du Brésil a dévoilé vendredi un témoignage explosif accusant le président Michel Temer et deux anciens présidents, Luiz Inacio Lula da Silva et Dilma Rousseff, d'avoir reçu l'équivalent de plusieurs millions d'euros de pots-de-vin. Ce témoignage livré par des cadres du groupe alimentaire JBS SA, numéro un mondial du conditionnement de viande, a été obtenu en échange d'une réduction de peine dans le cadre de l'opération anti-corruption "Lava Jato" ("Lavage express") qui secoue le pays. Il pose la question du maintien au pouvoir du président Temer, qui a lui-même succédé à Dilma Rousseff, destituée l'an dernier pour manipulation des comptes publics. La Cour suprême a ouvert jeudi une enquête visant Michel Temer pour corruption et obstruction à la justice. Les appels à la démission du président se multiplient, y compris dans les colonnes du quotidien O Globo, pourtant critiqué par l'opposition de gauche pour ses positions en faveur des conservateurs. "C'est de loin le pire moment au Brésil depuis le retour de la démocratie (dans les années 1980)", estime Claudio Couto, politologue à la Fondation Getulio Vargas. "Ce témoignage affecte tout le monde, tous les grands acteurs politiques et, encore plus grave, un président en exercice." Michel Temer nie toute malversation et exclut de démissionner. TOUS LES PARTIS SONT CONCERNÉS JBS, autrefois un petit producteur de viande, a connu une croissance exponentielle pendant les treize années de gouvernement dirigé par le Parti des Travailleurs (PT, gauche), sous les présidences de Lula et Dilma Rousseff. Il s'est étendu grâce à des acquisitions financées par des prêts à faible taux d'intérêt accordés par la Banque de développement du Brésil. Les dirigeants de JBS qui ont témoigné devant la justice en échange d'une remise de peine ont dit avoir versé environ 500 millions de reais (137 millions d'euros) à des responsables politiques et à des fonctionnaires ces dernières années en échange de l'obtention de contrats publics, de crédits auprès des banques et du règlement de litiges, fiscaux notamment, avec l'administration. Le président Temer a démenti dans un communiqué avoir fait obstruction à la justice en intervenant dans l'enquête ni avoir touché des pots-de-vin. Les avocats de Lula ont affirmé l'innocence de leur client et Dilma Rousseff a nié toute malversation dans un communiqué. Les trois anciens ou actuel présidents ne sont pas les seuls concernés par le témoignage JBS qui met en cause des élus du Congrès, des ministres et plusieurs gouverneurs et maires de grandes villes. Tous les partis sont impliqués, qu'ils soient dans la coalition gouvernementale ou dans l'opposition. Selon ces récits, Michel Temer, du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre), a reçu 15 millions de réals (4 millions d'euros) de dessous-de-table de JBS. Pour l'ancien président Lula, qui est déjà visé par cinq procès pour corruption, la Cour suprême donne un chiffre équivalent à environ 45 millions d'euros reçus sur des comptes à l'étranger, tandis que l'ex-présidente Dilma Rousseff aurait perçu près de 27 millions d'euros, également placés sur des comptes à étranger. EDUARDO CUNHA, TÉMOIN CLÉ L'opération Lava Jato vise un vaste système de corruption, qui permettait aux sociétés d'obtenir des contrats dans des entreprises publiques, notamment auprès de la société pétrolière Petrobras. Plus de 90 hommes d'affaires et politiques ont déjà été inculpés tandis que des dizaines de parlementaires et un tiers des membres du gouvernement Temer font l'objet d'investigations. Dans un discours à la nation, Michel Temer a adopté jeudi u ton résolument offensif en excluant de démissionner. Mais la Cour suprême a diffusé dans le même temps un enregistrement audio de Michel Temer s'entretenant avec le président de JBS, Joesley Batista. Dans cet enregistrement, effectué en secret par Batista lors d'une visite à Temer en mars, le président semble tolérer le versement d'argent à l'ancien président de la chambre basse du Parlement, Eduardo Cunha, pour qu'il accepte de se taire. Eduardo Cunha a été l'un des initiateurs de la procédure de destitution de Dilma Rousseff. Il a été par la suite reconnu coupable de corruption. De nombreux politiques craignent que si Eduardo Cunha devait devenir témoin, son témoignage ne mette en cause des dizaines de parlementaires et de membres de l'exécutif. (Danielle Rouquié et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)