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Le président polonais met son veto à la réforme de la justice

Le président polonais Andrzej Duda a annoncé lundi matin qu'il allait opposer son veto à deux des trois projets de loi sur la réforme de la justice, que l'opposition contestait dans la rue. /Photo prise le 24 juillet 2017/REUTERS/Kacper Pempel

par Agnieszka Barteczko et Pawel Florkiewicz VARSOVIE (Reuters) - Le président polonais Andrzej Duda a annoncé lundi matin qu'il allait opposer son veto à deux des trois projets de loi sur la réforme de la justice, que l'opposition contestait dans la rue. Un des deux textes rejetés par le président Duda prévoyait notamment de mettre à la retraite d'office les juges de la Cour suprême à l'exception de ceux nommés par le gouvernement. L'autre texte visé par le veto présidentiel réformait le Conseil national de la magistrature, octroyant au Parlement le droit d'en nommer la plupart des membres. "J'ai décidé que je renverrai devant la Diète (la chambre basse du parlement), ce qui signifie que j'opposerai mon veto au texte sur la Cour suprême ainsi qu'à celui sur le Conseil national de la magistrature", a déclaré Andrzej Duda lundi matin. "Je suis absolument un partisan de cette réforme, mais d'une réforme sage", a poursuivi le président polonais qui s'est exprimé à la télévision. "En tant que président, je pense profondément que cette réforme, sous cette forme, n'améliorera pas le sentiment de sécurité et de justice." Dans la soirée, le président Duda s'est expliqué de nouveau sur sa décision, dans une allocution télévisée à la nation, estimant que les projets de loi auxquels il barrait la route nécessitaient des modifications afin de garantir leur conformité à la Constitution. "Les réformes de la justice préparées par le parlement répondaient en grande partie aux attentes de l'opinion", a-t-il dit. "Cependant, en tant que président, je n'ai pas pu les accepter et j'ai usé du droit de veto parce qu'elles nécessitent des modifications qui garantissent leur conformité avec la Constitution", a-t-il continué, en ajoutant qu'il allait prochainement présenter sa propre proposition de réforme de l'appareil judiciaire. La réforme a été vivement critiquée par l'Union européenne et les partisans de l'opposition ont manifesté en masse dans les villes de Pologne pour réclamer un veto présidentiel contre une initiative qualifiée d'atteinte à l'équilibre des pouvoirs. La décision inattendue de Duda le met en opposition frontale avec Jaroslaw Kaczynski, président du parti Droit et justice (PiS), le parti de la droite conservatrice majoritaire au Parlement. Kaczynski, qui n'a pas de fonction officielle, est considéré comme le véritable maître de la vie politique polonaise. PRUDENCE DE LA COMMISSION EUROPEENNE La Première ministre polonaise, Beata Szydlo, a estimé dans une allocution télévisée lundi soir que le veto surprise allait ralentir les réformes nécessaires du système judiciaire. Jaroslaw Kaczynski s'est refusé pour sa part au moindre commentaire à son arrivée à une réunion de la direction du PiS consacrée à la décision du président Duda. Le vice-Premier ministre Mateusz Morawiecki s'est dit "surpris et déçu". Les groupes d'opposition ont quant à eux salué la décision de Duda, mais l'ont appelé à mettre aussi son veto au troisième texte, qui donne au ministre de la Justice le droit de démettre de leurs fonctions les magistrats qui président les juridictions inférieures. Mais le président a fait savoir qu'il donnerait son feu vert à ce texte. "Ce que nous avions n'était pas une réforme, mais une appropriation des tribunaux. Je félicite tous les Polonais, c'est réellement un grand succès", s'est réjouie Katarzyna Lubnauer, du parti d'opposition Nowoczesna. La Commission européenne avait menacé mercredi dernier la Pologne de sanctions et lui avait donné une semaine pour renoncer à la réforme de la Cour suprême. Les Etats-Unis avaient pour leur part demandé à Varsovie "de respecter les principes d'indépendance de la justice et de séparation des pouvoirs". Lundi, la Commission européenne a réagi prudemment, semblant remettre à mercredi une réaction plus officielle. Son porte-parole, Margaritis Schinas, a suggéré lors de son point de presse que Bruxelles avait besoin de temps pour analyser la situation créée par la décision du président. "La Commission suit de très près les événements et la situation en Pologne", a-t-il dit. "La Commission répondra mercredi à tous ces développements et à tous ces changements." Selon un sondage réalisé pour la chaîne privée TVN, 55% des Polonais estimaient que le président Duda ne devait pas promulguer la réforme de la Cour suprême contre 29% qui sont d'un avis contraire. Le président Duda a rencontré lundi après-midi Beata Szydlo et les présidents des deux chambres du Parlement mais rien n'a filtré de leur rencontre. Certains estiment que, par ses vetos, le président vise à améliorer ses chances de remporter un second mandat en 2020. En théorie, un veto présidentiel peut être annulé par un vote des parlementaires à la majorité des trois cinquièmes avec au moins la moitié des parlementaires présents, mais le PiS et ses alliés ne semblent pas en mesure de réunir suffisamment de voix. (Avec Pawel Sobczak, Anna Koper, Pawel Florkiewicz, and Anna Wlodarczak-Semczuk; Jean-Philippe Lefief, Gilles Trequesser, Henri-Pierre André, Danielle Rouquié et Eric Faye pour le service français)