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Le président du Parlement turc pour une constitution religieuse

A Istanbul. Ismail Kahraman, président du Parlement turc, a plaidé pour l'abandon du principe de laïcité dans le cadre de la réforme constitutionnelle souhaitée par le président Recep Tayyip Erdogan. /Photo prise le22 mars 2016/REUTERS/Osman Orsal

ISTANBUL (Reuters) - Ismail Kahraman, président du Parlement turc, a plaidé pour l'abandon du principe de laïcité dans le cadre de la réforme constitutionnelle souhaitée par le président Recep Tayyip Erdogan, une proposition condamnée par l'opposition et critiquée par certains membres de l'AKP, le parti au pouvoir. "La nouvelle Constitution ne doit pas être laïque (...) Cette nouvelle Constitution doit être religieuse", a-t-il déclaré dans un discours prononcé lundi soir et relayé mardi par les chaînes de télévision. Ismail Kahraman a précisé mardi que, selon lui, la laïcité avait été trop longtemps employée pour limiter les libertés religieuses et qu'il fallait une définition plus claire "qui n'oppose pas l'Etat au peuple". Le chef de l'Etat et le Parti de la justice et du développement (AKP), mouvement islamo-conservateur dont il est issu, militent de longue date pour une réforme de la loi fondamentale amendée après le coup d'Etat militaire de 1980, et pour l'instauration d'un régime présidentiel, mais ils se disent attachés aux principes démocratiques européens. Mustafa Sentop, cadre de l'AKP qui dirige la commission parlementaire chargée de la réforme constitutionnelle, a déclaré que le projet en cours d'élaboration maintenait le principe de laïcité et que son parti n'avait même pas envisagé de l'en retirer. "Ces propos rendent plus difficiles les efforts deployés pour une nouvelle Constitution", a déclaré à Reuters un autre responsable du parti d'Erdogan. "Nous allons devoir faire comprendre très clairement à l'opinion publique qu'une telle approche n'est pas envisagée. Mais franchement, avec les déclarations d'hier, cela ne va pas être facile." L'AKP, qui dispose de 317 des 550 sièges parlementaires, doit réunir 330 voix pour obtenir la tenue d'un référendum constitutionnel, ce qui suppose le ralliement d'une partie de l'opposition, dont l'un des chefs de file a vivement réagi aux propos du président du Parlement. "La laïcité est le premier facteur de paix sociale. La laïcité est là pour garantir à tous la liberté de culte", souligne Kemal Kilicdaroglu, chef de file du Parti républicain du peuple (CHP, laïque), sur Twitter. Devlet Bahceli, le chef de file du Parti d'action nationaliste (MHP, opposition), a jugé inopportun d'ouvrir un débat sur la laïcité et a demandé à Ismail Kahraman de revenir sur ses propos. Ces déclarations ont provoqué des incidents devant le parlement où une cinquantaine de manifestants, dont des députés du CHP, se sont réunis avant d'être dispersés par la police. (Ayla Jean Yackley, Jean-Philippe et Nicolas Delame Lefief pour le service français)