Le pouvoir en Algérie du service de renseignement rogné

Le président Abdelaziz Bouteflika a récemment signé un décret en vue de réduire la présence du DRS, le service de renseignement algérien, au sein des institutions publiques, d'affaiblir ses rivaux et d'assurer une transition en douceur lorsqu'il se retirera. /Photo prise le 28 avril 2014/REUTERS/Ramzi Boudina

par Lamine Chikhi ALGER (Reuters) - Le président Abdelaziz Bouteflika a récemment signé un décret en vue de réduire la présence du DRS, le service de renseignement algérien, au sein des institutions publiques, d'affaiblir ses rivaux et d'assurer une transition en douceur lorsqu'il se retirera, a-t-on appris de source gouvernementale. Depuis l'indépendance en 1962, la vie politique algérienne a été souvent dominée par de sombres luttes en coulisses entre dirigeants militaires et civils pour le contrôle du gouvernement. Il y a un an, Abdelaziz Bouteflika, à la tête de l'Etat depuis 1999, a commencé à prendre des mesures pour écarter l'armée et le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) de la sphère politique avant sa réélection en avril dernier pour un quatrième mandat, disent des analystes. Il a accéléré cette offensive depuis qu'il a été victime l'an dernier d'une attaque cérébrale qui l'a affaibli et qui a suscité des questions sur sa succession. "Bouteflika veut que le DRS se concentre plus sur les questions de sécurité et devienne plus professionnel, c'est pourquoi les réformes ne peuvent qu'être positives", dit un officier du DRS depuis peu à la retraite, qui a requis l'anonymat car il n'est pas autorisé à parler à la presse. Le président, qui est âgé de 77 ans, a signé début octobre le décret sur le retrait des responsables du DRS des institutions publiques, comme les ministères et les compagnies publiques, dit-on de source gouvernemnetale. Ce texte ne paraîtra toutefois pas au journal officiel de la République algérienne. Le DRS a joué un rôle essentiel dans les années 1990, quand le pays était plongé dans un conflit entre forces de sécurité et militants islamistes, qui a fait 200.000 morts. A cette époque, les services de renseignement étaient omniprésents. TRANSITION ? Les observateurs internationaux ont généralement jugé les élections algériennes libres et honnêtes mais pour de nombreux Algériens les différents clans au sein du Front de libération nationale (FLN) et de l'armée - "le Pouvoir" - ont pendant longtemps, en coulisses, tiré les ficelles de la vie politique. Pour plusieurs analystes, il est clair que le président Bouteflika a consolidé son pouvoir et préparé une éventuelle transition en écartant en douceur l'armée de la politique et en faisant de l'Algérie un état plus "civil". Américains et Européens tiennent beaucoup à la stabilité de l'Algérie, étant donné le rôle que joue ce pays dans la lutte contre l'islamisme en Afrique du Nord et au Sahel. Le président Bouteflika a été rarement vu en public depuis son attaque l'an dernier, ce qui n'a pas manqué de soulever des questions sur sa capacité à achever son mandat en 2019. Lorsqu'un ressortissant français a été enlevé et assassiné par des islamistes le mois dernier en Kabylie, il n'est pas apparu et n'a fait aucune déclaration, laissant son Premier ministre s'occuper de cette affaire. Mais les spéculations ont cessé lorsqu'il est apparu au début du mois au côté de Lakhdar Brahimi, l'ancien émissaire de l'Onu et de la Ligue arabe en Syrie. Il y a quelques mois, le président avait dissous le service du DRS chargé des médias, mis fin aux enquêtes des services de renseignement sur les affaires de corruption potentielle et limogé plusieurs généraux. Pour certains, les réformes lancées par Abdelaziz Bouteflika montrent que les institutions ne sont plus vraiment menacées par le terrorisme. "Dans les années 1990, les institutions publiques étaient sous la menace des terroristes. L'aéroport d'Alger et des dizaines d'institutions ont alors été pris pour cibles", raconte Anis Rahmani, spécialiste des questions de sécurité. "Maintenant, la situation s'est tellement améliorée que la présence du DRS n'est plus nécessaire." (Guy Kerivel pour le service français)