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Le plan de l'Onu pour la Syrie laisse Alep sceptique

A Alep. A l'approche de l'hiver, la population de la ville a plus que jamais besoin de l'aide humanitaire qui pourrait lui parvenir dans le cadre du plan de l'Onu pour la Syrie, qui propose l'instauration de cessez-le-feu locaux, un plan accueilli avec scepticisme. /Photo prise le 17 novembre 2014/REUTERS/Hosam Katan

BEYROUTH/GAZIANTEP, Turquie (Reuters) - A l'approche de l'hiver, la population d'Alep a plus que jamais besoin de l'aide humanitaire qui pourrait lui parvenir dans le cadre du plan de Staffan de Mistura, médiateur de l'Onu pour la Syrie, qui propose l'instauration de cessez-le-feu locaux. Le diplomate suédois a proposé le mois dernier un "gel progressif des hostilités" qui commencerait par cette grande ville du Nord, théâtre depuis des mois de combats incessants. Les innombrables plans de paix avancés depuis le début du conflit, il y a bientôt quatre ans, ont échoué les uns après les autres et le dernier en date a été accueilli avec scepticisme. Le gouvernement a certes manifesté son intérêt, mais diplomates et observateurs doutent de sa sincérité et craignent qu'Alep ne connaisse le même sort que Homs, dans le Centre, dont les forces gouvernementales ont repris la majeure partie. "On ne peut faire confiance à aucune initiative", tranche Safi al Masri, un Aleppin de 25 ans. "Nous considérons que celle-ci n'a rien d'humanitaire après tout le sang syrien versé." Pour d'autres, moins catégoriques, toute trêve serait la bienvenue après tant de souffrances, mais beaucoup doutent que le projet puisse changer quoi que ce soit à la situation. L'enjeu semble effectivement trop important pour les deux camps. Au départ, l'opposition pensait que la prise de la ville, ancienne capitale commerciale du pays, sonnerait le glas du régime de Bachar al Assad. Aujourd'hui, beaucoup sont convaincus que l'insurrection, au moins dans le Nord, ne survivrait pas à son retour dans le giron gouvernemental. Les rebelles, dont certains appartiennent au Front al Nosra, aile locale d'Al Qaïda, sont jusqu'ici parvenus à conserver les quartiers Est de la ville et les lignes logistiques qui vont jusqu'à la frontière turque. Ils le doivent notamment à des accords entre les composantes rivales de l'insurrection qui s'affrontent ailleurs et à l'aide croissante des capitales hostiles à Damas. "La situation (...) est stable depuis que les groupes armés se coordonnent pour faire face au régime sur ce front et depuis que l'aide est spécialement destinée à ces groupes", confirme un jeune combattant de 20 ans qui se fait appeler Abou Abbas. PEU DE CHOSES À SAUVER Que le plan de l'Onu soit appliqué ou non, il reste peu de choses à sauver à Alep. Les quartiers aux mains des insurgés ont été dévastés par les barils d'explosifs que l'armée largue depuis des mois. Ces bombardements sont toutefois plus rares depuis quelques semaines. La raison est un mystère, mais personne ne s'attend à voir ce répit durer bien longtemps. "Maintenant, c'est l'hiver et il n'y a pas de barils d'explosifs, alors nous nous sommes mis au travail, mais, demain, avec l'été, les bombardements vont reprendre et nous serons à nouveau déplacés", promet Mohamed Helouani, un conseiller municipal. Staffan de Mistura a choisi une approche différente de celle de ses deux prédécesseurs, qui ont renoncé à leur mission faute de résultats. Le "gel progressif des hostilités" qu'il propose a pour but d'amorcer une dynamique et d'apporter du concret aux Syriens. Bachar al Assad a jugé que son offre "méritait d'être étudiée". Selon son ministre des Affaires étrangères Walid al Moualem, qui s'est rendu cette semaine en Russie, Vladimir Poutine a également estimé que l'initiative devait être soutenue. Pour Noah Bonsey, spécialiste de la Syrie à l'International Crisis Group, il y a peu de chances que les rebelles donnent leur accord à un plan qui pourrait faire les affaires de Damas. "En général, le gouvernement accepte les cessez-le-feu pour consolider ses victoires militaires, pour des raisons logistiques ou pour redéployer des forces", dit-il. L'omniprésence du Front al Nosra pose également problème, puisqu'il n'est pas question pour l'Onu de négocier avec une organisation terroriste. Le droit humanitaire autorise toutefois des entorses à cette règle pour permettre justement l'instauration de cessez-le-feu. "Pour le moment, nous faisons un état des lieux des influences en présence à Alep, ce qui nous aidera à appliquer le plan", a déclaré une porte-parole de Staffan de Mistura, sans dire avec qui il s'agit de négocier. (Avec Tom Perry à Gaziantep et Tom Miles à Genève, Jean-Philippe Lefief pour le service français)