Le pape se rend en Egypte pour renouer le dialogue avec l'islam

par Philip Pullella CITE DU VATICAN (Reuters) - Le pape François se rend vendredi en Egypte avec l'ambition de renouer le dialogue entre catholiques et musulmans malgré les critiques formulées par la frange conservatrice de l'Eglise qui voit d'un mauvais oeil la rencontre prévue avec des dignitaires de l'islam. Le déplacement du souverain pontife s'effectue dans un contexte tendu, trois semaines après les attentats revendiqués par l'Etat islamique (EI) contre des églises coptes à Alexandrie et Tanta qui ont fait 45 morts le dimanche des Rameaux. La sécurité sera la principale préoccupation de ce voyage papal d'autant plus que François a insisté pour ne circuler que dans une voiture ordinaire et non un véhicule blindé pendant les 27 heures qu'il passera au Caire. Dans un message vidéo adressé aux Egyptiens mardi, le chef de l'Eglise catholique dénonce "la violence aveugle qui a également affecté le pays cher à votre coeur" et souhaite que sa venue se déroule dans la paix et permette un dialogue interconfessionnel. François doit rencontrer le président Abdel Fattah al Sissi, le cheikh Ahmed al Tayeb, grand imam d'al Azhar qui est le premier centre d'enseignement théologique sunnite, et le pape Théodore II d'Alexandrie, chef de l'Eglise copte orthodoxe. Ce dernier a échappé de peu à l'attentat à la bombe à Alexandrie, une opération qui a amené le président Sissi à décréter l'état d'urgence pour trois mois. L'un des enjeux de ce voyage est de renforcer les liens avec le centre d'al Azhar, institution musulmane millénaire, qui avait décidé de couper les ponts avec le Saint-Siège en 2011 en raison de ce qu'il considérait comme des insultes répétées de la part de Benoît XVI, le prédécesseur de François. Les relations ont été rétablies l'an passé à l'occasion d'une visite au Vatican d'Ahmed al Tayeb, personnalité jugée modérée et critique à l'égard de l'Etat islamique. François, qui dénonce régulièrement les violences commises au nom de Dieu, est convaincu que le dialogue entre catholiques et musulmans est plus nécessaire que jamais et, dans ce contexte, le cheik al Tayeb apparaît comme un allié précieux. PAS DE DIALOGUE POSSIBLE POUR LES CONSERVATEURS Cette position du pape ne fait pourtant pas l'unanimité au sein de l'Eglise catholique puisque ses membres les plus conservateurs estiment qu'aucun dialogue n'est possible avec l'islam dans la mesure où "une guerre de religion" est à l'oeuvre. Les auteurs des attentats du dimanche des Rameaux "ne sont pas des déséquilibrés ou des fous, mais les porteurs d'une vision religieuse qui combat la chrétienté depuis le VIIe siècle", estime l'historien italien Roberto de Mattei dans un éditorial publié par le mensuel conservateur "Racines chrétiennes". Pour le père égyptien Samir Khalil Samir, spécialiste catholique de l'islam basé à Beyrouth, la démarche de François part d'un bon sentiment mais pêche par naïveté. "Je pense que sa méconnaissance de l'islam ne contribue pas au dialogue. Il a souvent dit que l'islam était une religion de paix mais c'est tout simplement une erreur", a expliqué Samir devant la presse à Rome. "Il existe certainement des périodes de paix et une volonté de paix de la part de nombreux musulmans mais je ne peux pas lire le Coran et affirmer qu'il s'agit un livre qui cherche à atteindre la paix", a-t-il ajouté. Le Proche-Orient est, depuis plusieurs décennies, le théâtre d'un exode massif de chrétiens fuyant les guerres et les persécutions, un phénomène qui s'est accéléré avec les exactions commises par les djihadistes de l'Etat islamique. François se rendra également dans la cathédrale Saint-Marc du Caire pour une prière à la mémoire des 28 fidèles tués lors d'un attentat en décembre dernier. La rencontre entre le pape et le président Sissi inquiète, elle, les militants des droits de l'homme. Le Vatican n'a pas donné d'indications sur le contenu des entretiens qu'auront les deux hommes. Le président Sissi se présente, depuis l'éviction des Frères musulmans du pouvoir en juillet 2013, comme le rempart face au terrorisme, justifiant ainsi la répression menée contre les organisations d'opposition. (Pierre Sérisier pour le service français)