Le pape invite le Mexique à lutter contre la corruption

François et le président mexicain Enrique Peña Nieto au Palais national, à Mexico. Le pape a lancé samedi un appel à la lutte contre la corruption au premier jour de sa visite apostolique au Mexique. /Photo prise le 13 février 2016/REUTERS/Tomas Bravo

par Philip Pullella et David Alire Garcia MEXICO (Reuters) - Le pape François a lancé samedi un appel à la lutte contre la corruption au premier jour de sa visite apostolique au Mexique. "L'expérience nous apprend que, chaque fois que nous cherchons la voie des privilèges ou des bénéfices pour quelques-uns au détriment du bien pour tous, la société devient tôt ou tard le terreau de la corruption, du trafic de drogue, de l'exclusion des cultures différentes, de la violence et aussi du trafic d'être humains, des enlèvements et de la mort", a-t-il déclaré, s'adressant au président Enrique Peña Nieto, aux membres de son gouvernement et au corps diplomatique. Les dirigeants mexicains ont un "devoir particulier" face à la corruption et à la violence, a souligné le souverain pontife, les invitant à oeuvrer en faveur du bien commun. De la frontière américaine jusqu'au Sud indien, François va visiter certaines des régions les plus déshéritées et les plus violentes du pays. A Mexico, il doit célébrer dans la journée une messe dans la basilique Notre-Dame de Guadalupe, sainte patronne du pays, devant plusieurs centaines de milliers de personnes. "N'ayez pas peur! Voilà ce qu'elle me dit", a dit le souverain pontife avant le début de sa visite de cinq jours. Le pape est arrivé à Mexico vendredi soir en provenance de Cuba, pour sa première visite au Mexique en tant que chef de l'Eglise catholique. Il a été accueilli par une foule en liesse, un orchestre de mariachis et par le chef de l'Etat. Ce voyage apostolique doit être dominé par les défis à relever face à la pauvreté, la criminalité et leur corollaire, l'émigration de nombreux Mexicains vers les Etats-Unis. Plus de 100.000 personnes ont été tuées depuis dix ans dans la guerre entre narcotrafiquants et entre les cartels de la drogue et les forces de l'ordre. Vingt-six mille autres personnes sont portées disparues. Parmi les victimes de cette guerre figure le cas emblématique des 43 étudiants portés disparus depuis septembre 2014 à Iguala, dans l'Etat de Guerrero, et apparemment massacrés. Signe que la violence ne connaît pas de répit, 49 personnes ont été tuées dans un affrontement entre bandes dans une prison du pays, quelques jours avant l'arrivée du pape. CRIME IMPUNI Les proches des étudiants portés disparus accusent le gouvernement de chercher à étouffer cette affaire et aimeraient que François intervienne pour les aider à faire éclater la vérité. Aucune rencontre privée avec le pape n'est cependant prévue. "Le pape (...) va voir comment les institutions ont voulu tourner la page et laisser ce crime impuni. Il va se rendre compte à quel point les cartels de la drogue ont infiltré le gouvernement", déclare Meliton Ortega, dont le fils Mauricio fait partie des disparus. Des parents des 43 étudiants d'Iguala assisteront à la messe que le pape célébrera mercredi prochain à Ciudad Juarez, à la frontière des Etats-Unis, qui a été pendant des années l'une des villes les plus violentes du pays. François célébrera aussi une messe avec les communautés indigènes lundi dans l'Etat du Chiapas, le plus pauvre du Mexique. Il s'adressera à la jeunesse mardi à Morelia, capitale de l'Etat du Michoacan, frappé lui aussi par la violence, et rendra visite mercredi à des prisonniers à Ciudad Juarez. Le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, a déclaré que François tenait à se rendre dans des régions du Mexique où aucun souverain pontife ne s'est rendu avant lui et que la messe de Ciudad Juarez soulignait combien il était soucieux du sort des migrants. "Cette messe sera célébrée juste à la frontière afin qu'on puisse la suivre des deux côtés", a dit le père Lombardi. "C'est une clôture, ce n'est pas la Grande Muraille de Chine." Les Mexicains restent très attachés au souvenir du défunt pape Jean Paul II, qui avait effectué de nombreuses visites au Mexique durant son pontificat, et François a, jusqu'à présent, du mal à le supplanter dans leur coeur. Selon un sondage réalisé par le journal Reforma en janvier, plus de la moitié des Mexicains disaient s'identifier surtout avec Jean Paul II, contre 14% pour l'actuel pape argentin. Avant son arrivée à Mexico, le pape a fait halte quelques heures à Cuba, où il a eu une rencontre historique avec le chef de l'Eglise orthodoxe russe, le patriarche Cyrille. Les deux hommes ont appelé la communauté internationale à agir pour mettre fin à la persécution des chrétiens du Proche-Orient. (avec Christine Murray, Anahi Rama et Lizbeth Diaz; Guy Kerivel, Eric Faye et Jean-Philippe Lefief pour le service français)