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Le pape fustige la "violence barbare" de l'Etat islamique

par Philip Pullella et Tulay Karadeniz ANKARA (Reuters) - Le pape François, qui a entamé vendredi une visite de trois jours en Turquie, a estimé que le combat contre la faim et la pauvreté, et non la seule intervention militaire, était crucial dans la lutte engagée contre la "violence barbare" de l'Etat islamique en Syrie et en Irak. "Un groupe extrémiste et fondamentaliste" a soumis des communautés entières de Syrie et d'Irak "à la violence barbare simplement en raison de leur identité ethnique et religieuse", a déclaré le chef de l'Eglise catholique lors d'un discours devant le plus haut dignitaire religieux turc, Mehmet Görmez. Le pape a souligné que la "violence terroriste" ne donnait aucun signe d'essoufflement dans ces deux pays frontaliers de la Turquie, où les djihadistes sunnites d'Abou Bakr al Baghdadi ont proclamé un "califat" et persécutent les musulmans chiites, les chrétiens et les autres communautés religieuses qui ne partagent pas leur vision ultra-radicale de l'islam sunnite. "Il est licite, tout en respectant en permanence le droit international, de stopper un agresseur injuste", a déclaré le pape à l'issue d'une rencontre avec le président turc Recep Tayyip Erdogan. "Ce qui est nécessaire, c'est un engagement de notre part à tous de faire en sorte que des ressources soient mobilisées, pas pour des armes, mais pour les autres nobles luttes de l'humanité: la lutte contre la faim et la maladie", a-t-il poursuivi. De son côté, Recep Tayyip Erdogan a demandé que des mesures soient prises pour prévenir "la montée du racisme, la xénophobie et l'islamophobie en Occident". Il a souligné que "la perception raciste, qui associe l'islam au terrorisme blesse profondément des milliards de musulmans dans le monde". Le pape, dont la visite a débuté par un déplacement sur la tombe de Mustafa Kemal, fondateur de la république turque, passera au total trois jours à Ankara et Istanbul pour sa troisième visite pontificale dans un pays majoritairement musulman, après la Jordanie et l'Albanie. Mais il va devoir trouver le juste équilibre entre un renforcement des liens avec les dignitaires musulmans et les condamnations des violences qui visent les chrétiens et autres minorités au Moyen-Orient. "MÊMES DROITS ET MÊMES DEVOIRS" Le pape a prôné le dialogue entre les religions "pour mettre un terme à toutes les formes de fondamentalisme et de terrorisme qui rabaissent la dignité de chaque homme et de chaque femme et exploitent la religion". "Il est essentiel que tous les citoyens -musulmans, juifs et chrétiens- disposent dans la loi et dans la pratique des mêmes droits et respectent les mêmes devoirs." La Turquie héberge près de deux millions de réfugiés, dont des milliers de chrétiens, qui ont afflué de Syrie depuis le début du conflit en mars 2011. Les chrétiens représentaient environ 10% des 22 millions de Syriens avant le début de la guerre civile en 2011. En Irak, le nombre de chrétiens a chuté de près de 70% depuis le début de la guerre en 2003. Le pape est attendu samedi à Istanbul, où il sera reçu par le patriarche oecuménique Bartholomée, primat de l'Église orthodoxe de Constantinople. Les deux dignitaires devraient lancer des appels conjoints en faveur du respect des droits de l'homme et de la liberté de culte, et faire part de leur crainte de voir le christianisme disparaître de ses berceaux proche-orientaux, a déclaré le révérend Dositheos Anagnostopoulos, porte-parole du patriarcat. Il est possible, a-t-il ajouté, que le pape aille prier à l'intérieur de la basilique Sainte-Sophie, érigée sous l'Empire byzantin avant d'être transformée en mosquée par les Ottomans après la chute de Constantinople. Officiellement, Sainte-Sophie a le statut de musée, mais une telle démarche pourrait déranger certains musulmans qui aimeraient voir l'édifice redevenir une mosquée. (avec Ece Toksabay et Jonny Hogg; Eric Faye, Henri-Pierre André et Danielle Rouquié pour le service français)