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Un ministre nord-coréen exécuté au canon, selon Séoul

par Ju-min Park et James Pearson SEOUL (Reuters) - La Corée du Nord a exécuté son ministre de la Défense pour trahison en le plaçant sous le feu d'un canon antiaérien sur un champ de tir, ont déclaré mercredi des agents des services de renseignement sud-coréens à des parlementaires à Séoul. Hyon Yong Chol, 66 ans, avait été écarté le mois dernier pour avoir désobéi à Kim Jong-un et s'être endormi lors d'une manifestation militaire à laquelle assistait le numéro un nord-coréen, ont rapporté ces élus à Reuters. Sa mise à mort, en public, a été suivie par des centaines de personnes, ont précisé les agents du NIS (National Intelligence Service) auditionnés à huis clos au Parlement. On ignore par quel canal les services sud-coréens ont eu accès à ces informations, impossibles à confirmer. "Un agent du NIS a déclaré que cela avait été confirmé par de multiples sources. Il ne s'agit certes que d'un renseignement, mais il a dit que les services croyaient en sa fiabilité", a dit un député. Hyon se serait plaint à plusieurs reprises de Kim Jong-un et aurait refusé plusieurs fois de suivre ses directives, ont déclaré des députés. Arrêté à la fin du mois dernier, il a été exécuté trois jours plus tard, sans aucune procédure judiciaire. SIGNE D'INSTABILITÉ OU CONSOLIDATION DU POUVOIR DE KIM ? Le ministre de la Défense, qui s'était rendu en avril dernier à une conférence sur la sécurité à Moscou, où il avait pris la parole, est la dernière victime en date des purges qu'orchestrerait le jeune dirigeant nord-coréen. Il y a deux semaines, les mêmes services sud-coréens déclaraient à huis clos devant des parlementaires que Kim Jong-un avait ordonné depuis le début de l'année l'exécution de 15 hauts responsables ayant défié son autorité. Au total, selon l'agence de presse sud-coréenne Yonhap citant le NIS, environ 70 responsables ont été exécutés depuis qu'il a succédé en décembre 2011 à son père Kim Jong-il. "La politique intérieure nord-coréenne est très volatile en ce moment", a déclaré Michael Madden, un expert de la direction nord-coréenne. "En interne, il ne semble pas y avoir beaucoup de respect pour Kim Jong-un au sein du noyau central et du niveau intermédiaire de la direction." Ce spécialiste juge cependant que l'autorité de Kim Jong-un ou la stabilité du régime ne sont pas menacés dans l'immédiat. "Mais si cela se poursuit dans les prochaines années, nous devrons alors envisager de revoir nos scénarios sur la Corée du Nord", ajoute Madden, contributeur régulier du cercle d'études et de réflexion 38° Nord, basé à Washington. Andrei Lankov, spécialiste de la Corée du Nord à l'université Kookmin de Séoul, est lui aussi prudent sur l'interprétation de ces purges. "L'hypothèse courante est que c'est mauvais pour la stabilité, mais je n'en suis pas certain", dit-il en suggérant que ces purges pourraient au contraire être le signe que Kim consolide la base de son pouvoir en éliminant ceux qui lui semblent insuffisamment loyaux. 8.000 MÈTRES DE PORTÉE D'après les parlementaires sud-coréens, Hyon a été exécuté sur un champ de tir situé dans le camp d'entraînement de Kanggon, à 22 km au nord de Pyongyang, là même où, selon le Comité pour les droits de l'homme en Corée du Nord, basé aux Etats-Unis, une autre exécution au canon antiaérien ZPU-4 a eu lieu en octobre dernier. Le condamné était à une trentaine de mètres, alors que cette arme a une portée de 8.000 mètres, selon le comité qui se fonde sur l'exploitation d'images satellites. Le haut commandement de l'armée nord-coréenne n'a cessé d'être renouvelé depuis l'accession au pouvoir de Kim fin 2011. Quatre chefs d'état-major se sont ainsi succédé. Hyon Yong Chol, un général peu illustre, avait été promu au rang de vice-maréchal en 2012. Lors de la même audition, les services de renseignement sud-coréens ont indiqué qu'un autre responsable nord-coréen, Ma Won Chun, considéré comme l'architecte en chef des projets d'infrastructures, avait lui aussi été victime d'une purge. Ma avait également oeuvré comme directeur adjoint du très secret département des Finances et de la Comptabilité du Parti des travailleurs de Corée, le parti unique au pouvoir. Il est longtemps apparu sur les photographies aux côtés de Kim Jong-un avant de disparaître des clichés à partir de novembre dernier. En décembre 2013, le dirigeant nord-coréen avait limogé et fait exécuter son oncle et ex-mentor, Jang Song Thaek, naguère considéré comme le deuxième homme le plus puissant du régime. Les motifs invoqués contre l'oncle allaient de la corruption à des crimes économiques en passant par des menées factieuses et une vie "dissolue et dépravée". Sa disgrâce avait été confirmée par le régime et son exécution annoncée par l'agence officielle de presse nord-coréenne KCNA. (Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Nicolas Delame)