Le Medef presse Jean-Marc Ayrault de baisser les prélèvements

Dans une interview à Reuters, le président du Medef Pierre Gattaz estime que la remise à plat de la fiscalité voulue par Jean-Marc Ayrault n'aura de sens que si elle permet une baisse des prélèvements. /Photo prise le 26 novembre 2013/REUTERS/Benoît Tessier

Répétition pour clarifier au 14e paragraphe la demande d'une hausse d'un point de TVA par an

par Yann Le Guernigou et Jean-Baptiste Vey

PARIS (Reuters) - Le président du Medef Pierre Gattaz estime que la remise à plat de la fiscalité voulue par Jean-Marc Ayrault n'aura de sens que si elle permet une baisse des prélèvements et souhaite qu'elle débouche sur de premiers résultats tangibles dès le printemps.

Dans une interview à l'agence Reuters, il indique avoir demandé au Premier ministre une pause de la réglementation fiscale, sociale et environnementale pour rassurer les chefs d'entreprise, rendus "extrêmement nerveux" par une série récente d'annonces "anxiogènes".

Reçu lundi à Matignon dans le cadre de la concertation avec les partenaires sociaux, le Medef a fait savoir au chef du gouvernement que ce "moratoire d'au moins six mois" constituait un préalable à sa participation active à l'exercice initié.

"Cette pause est nécessaire pour ramener du calme et de la sérénité chez les chefs d'entreprise", a dit Pierre Gattaz.

L'autre condition nécessaire est "d'afficher un objectif de baisse des dépenses publiques".

"On ne réglera pas le problème de compétitivité des entreprises françaises que si on s'attaque à leur surfiscalité", a estimé le "patron des patrons".

Pour lui, réduire les dépenses de 60 milliards d'euros pour s'approcher de l'équilibre des comptes publics à l'horizon 2017 comme l'envisage le gouvernement est "vertueux mais pas suffisant, car on a calculé que les prélèvements obligatoires ne baisseraient pas".

"Il faut aller au delà, faire au moins autant d'efforts pour baisser les prélèvements d'au moins trois points de PIB", a-t-il indiqué.

PAS DE POLITIQUE DE LA CHAISE VIDE

Dans ce contexte, Pierre Gattaz dit avoir été "très perturbé" par l'annonce faite par le Premier ministre, lors du lancement de son initiative, que la remise à plat de la fiscalité se ferait à "prélèvements constants".

Il attend aujourd'hui les conclusions que Jean-Marc Ayrault tirera de ses premières consultations et concède que le chef du gouvernement "ne pourra peut-être pas tout dire pour des questions d'affichage politique".

"Mais si on continue à prélèvements constants, on sera très déçu (...) Soit la déclaration met du bon sens et du pragmatisme économique, soit on est encore dans un monde extrêmement politique et je serai inquiet."

Pour autant, le Medef "ne va pas faire une politique de la chaise vide."

Il a eu confirmation lundi à Matignon que le Haut conseil du financement de la protection sociale serait saisi de la question d'un basculement vers la fiscalité de charges pesant sur les entreprises et du démarrage, prévu maintenant début janvier, des assises de la fiscalité des entreprises.

Le patronat a déjà des solutions à proposer comme une augmentation "modérée et de façon peut-être temporaire" de la TVA - d'un point par an sur trois ans - en attendant qu'une baisse des dépenses prenne corps, qui permettrait d'alléger fiscalité et charges des entreprises s'agissant notamment de leurs cotisations famille et maladie.

Et pour la réduction des dépenses publiques, "nous sommes en train de faire une sorte de rapport de tous les rapports existants pour aider le gouvernement à trouver les priorités d'amélioration", a indiqué Pierre Gattaz.

MARQUEURS ANTI-ENTREPRISES

Pour le président du Medef, "il faudra des résultats tangibles au printemps", l'urgence de la situation des entreprises excluant d'attendre jusqu'à 2017.

Jean-Marc Ayrault ne s'est pas exprimé sur la pause réglementaire réclamée "mais j'espère qu'il l'a entendue et qu'il fera quelque chose".

"On est aujourd'hui dans un environnement où tout ce que font les chefs d'entreprise est suspect", dit-il.

Et d'énumérer les initiatives comme le renforcement des pouvoirs des inspecteurs du travail, l'obligation faite aux dirigeants des petites entreprises d'informer leur salariés quand ils envisagent de céder leur activité ou encore les amendements restreignant les possibilités d'optimisation fiscale des grands groupes.

"Vous avez toute une séquence depuis quelques mois où on a ressorti systématiquement les marqueurs anti-économiques, anti- entreprises, où chaque fois il faut mettre la petite gifle sur la tête du patron ou de l'entreprise", a déploré Pierre Gattaz.

"Ça contribue à un stress énorme, à un environnement de méfiance et de défiance", au moment où de nombreuses entreprises luttent pour s'en sortir.

"Il faut passer d'un environnement de contrainte, de suspicion, de contrôle, qui est la séquence que nous vivons aujourd'hui, à un mode de respect, d'estime, pour ramener la confiance."

Edité par Marc Joanny