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Le masque du Joker peut-il être le nouveau visage des contestations ?

Un manifestant à Valparaiso (Chili) le 20 octobre 2019.
Un manifestant à Valparaiso (Chili) le 20 octobre 2019.

Au Chili, au Liban, à Hong Kong... Dans plusieurs mobilisations, des manifestants ont arboré le masque du Joker, quelques jours après la sortie du film de Todd Philipps. Un phénomène qui pourrait se propager ?

Le clown, future symbole de la contestation ? L’image peut prêter à sourire, mais les exemples se multiplient à travers le monde. Au Liban, au Chili, à Hong Kong, ou encore à Barcelone, où ont lieu des manifestations d’ampleur, certains manifestants arborent des masques de clown, quand d’autres se griment le visage aux couleurs du Joker.

Joker, “c’est monsieur Tout-le-monde”

Ces masques ne sont pas sortis de nulle part. Début octobre est sorti au cinéma le film “Joker”, de Todd Philipps. Un long-métrage qui va plus loin que le film de super-héros. “Le réalisateur a donné une autre version au personnage du Joker. Ce n’est plus le super-vilain, c’est ‘monsieur Tout-le-monde, l’Homme maltraité par la société, dans laquelle il ne trouve pas sa place. Et cela concerne des millions de gens”, analyse Frédéric Vincent, psychanalyste et sociologue.

Le réalisateur lui-même, Todd Philipps, expliquait récemment au Point sa vision du film : “Pour moi, Joker est surtout un film humaniste sur le destin tragique d'un homme”. Un symbole d’identification qui a poussé des manifestants de plusieurs pays à revêtir le masque du célèbre personnage.

“Le besoin de renverser l’ordre social”

Derrière la popularité nouvelle du Joker chez les manifestants, il y a un malaise dans la société actuelle. “Ce masque symbolise le besoin de réenchanter le monde. Le rôle du clown est de redonner goût à la vie. Avec ce masque du Joker, les manifestants revendiquent le besoin de renverser l’ordre social pour trouver leur place dans la société”, ajoute Frédéric Vincent.

Et lorsqu’on évoque la fin du film, avec une scène d’émeutes et de pillages dans la rue, le psychanalyste et sociologue ajoute : “c’est l’absence de place, de réponse du pouvoir qui le fait basculer dans la folie et devenir tueur. Il devient Joker car il ne trouve pas sa place dans la société”.

“Un rapport de lutte des classes”

Si le masque du Joker est visible dans les manifestations à Hong Kong, au Liban et au Chili principalement, il ne l’est pas encore en France. Mais il pourrait prochainement inspirer des manifestants, estime Frédéric Vincent. Lorsqu’il a vu le film, le psychanalyste et sociologue a vu des liens avec la société française d’aujourd’hui. “Le rapport que Joker a avec Thomas Wayne, c’est un peu celui des gilets jaunes et du gouvernement, un mépris des puissants qui exacerbe les tensions. Il y a un rapport de lutte des classes entre Wayne et Joker dans le film”, nous explique-t-il.

Des masques de Joker qui restent tout de même minoritaires dans les rassemblements. Selon Patricia Khoder, qui suit les manifestations au Liban pour L’Orient le Jour et interrogée par Libération, “les manifestants les plus pauvres qui viennent pour la plupart de la banlieue sud de Beyrouth portaient beaucoup le masque de V pour Vendetta. Le Joker, beaucoup moins”.

D’autres films symboles de contestation

Ce masque du film ‘V pour Vendetta’ est l’autre exemple d’un film repris comme un symbole de la contestation. “Le masque du film “V pour Vendetta”, initialement symbole anarchiste, a été repris par le mouvement Anonymous. L’autre exemple célèbre est celui de la série “Casa de Papel”. Dans ces deux cas, le masque est repris comme une figure de contestation contre un régime autoritaire. Avec la volonté, en le revêtant, de devenir une foule anonyme, d’apparaitre masqué, anonyme, face au contrôle du pouvoir”, détaille Sylvain Boulouque, historien spécialiste des mouvements sociaux.

Et entre ‘V pour Vendetta’ et Joker, il y a un lien : “L’histoire du film Joker s’appuie sur le Comic d’Alan Moore, qui a lui-même fait la bande-dessinée ‘V pour Vendetta’. Dans ces oeuvres, il est reconnu pour représenter ces personnages comme des victimes de l’ordre social. Dans les deux cas, ils mettent le masque pour sourire face à cette violence sociale”, ajoute William Blanc, historien, auteur de Super-héros, une histoire politique”, chez Libertalia.

Simple effet de mode, ou réelle figure de contestation ? Si le phénomène des masques de Joker est réel depuis la sortie du film, il reste tout de même circonscrit à quelques manifestants, témoignent plusieurs journalistes présents au Chili, au Liban et à Hong Kong auprès de Libération. Reste également à voir si le phénomène prendra en France, où l’image du clown a été reprise plusieurs groupes d’activistes sur les réseaux sociaux.

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