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Le Kenya détruit un vaste stock d'ivoire

par Ben Makori NAIROBI (Reuters) - Le président kényan Uhuru Kenyatta a mis le feu samedi à des milliers de défenses d'éléphant et de cornes de rhinocéros pour afficher la détermination de son pays à lutter contre le trafic d'ivoire. Quelque 105 tonnes d'ivoire provenant d'environ 8.000 animaux ont été détruites par les flammes sur le site du parc national de Nairobi, proche de la capitale. Avant de procéder à l'incinération, la plus importante du genre, le chef de l'Etat a répondu aux critiques déplorant la perte pour le Kenya d'un tel trésor, estimé à 150 millions de dollars environ sur le marché noir. "Pour nous, l'ivoire ne vaut rien sauf lorsqu'il est sur nos éléphants", a déclaré Uhuru Kenyatta. Richard Leakey, célèbre anthropologue et défenseur de l'environnement, a exhorté d'autres pays à suivre les pas de Nairobi et à détruire eux aussi leurs stocks d'ivoire. SOUTIEN DE LA FRANCE ET DU GABON Le Kenya réclamera une interdiction totale des ventes d'ivoire dans le monde lors de la prochaine conférence des parties de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), en septembre-octobre à Johannesburg. La vente d'ivoire est interdite au niveau mondial depuis 1989, mais pas la revente d'ivoire obtenu avant cette date. La ministre française de l'Environnement Ségolène Royal, présente lors de cette cérémonie, a annoncé dans un communiqué qu’elle "entend(ait) interdire tout commerce d’ivoire sur le territoire français, sauf dérogation exceptionnelle, et qu’elle portera(it) cette mesure au niveau européen." Nairobi a également le soutien d'Ali Bongo. "A tous les braconniers, à tous les acheteurs, à tous les trafiquants, vos jours sont comptés", a lancé le président gabonais, présent lui aussi. Le braconnage d'éléphants a connu un pic entre 2010 et 2012, pendant lesquelles environ 100.000 éléphants ont été tués. Dans les années 1970, l'Afrique comptait 1,2 million d'éléphants, contre 400.000 à 450.000 aujourd'hui. La situation des rhinocéros est plus précaire. Il y en a moins de 30.000 en Afrique et une espèce, le rhinocéros blanc du Nord, est au bord de l'extinction. L'engagement pris l'an dernier par les Etats-Unis et la Chine, deux des plus gros marchés de l'ivoire, de mettre en place des interdictions quasi totales des importations et des exportations d'ivoire a contribué à faire baisser les prix de l'"or blanc". Mais le prix des cornes de rhinocéros continue à augmenter, selon les défenseurs de l'environnement. Les patrouilles armées instaurées dans les réserves et d'autres mesures ont permis de réduire le braconnage mais l'avenir du rhinocéros reste sombre. Le Kenya, qui comptait 20.000 rhinocéros dans les années 1970, n'en avait plus que 400 dans les années 1990. Il compte aujourd'hui environ 650 rhinocéros noirs. Les trois derniers rhinocéros blancs du Nord vivent dans une réserve et les scientifiques ont engagé une course contre la montre pour trouver le moyen de les reproduire artificiellement. Les braconniers peuvent toucher sur les marchés locaux quelque 50.000 dollars pour les cornes d'un seul rhinocéros, soit l'équivalent de multiples années de salaire. (Ben Makori, avec Myriam Rivet à Paris; Jean-Stéphane Brosse pour le service français)