Le Hezbollah et ses alliés remportent les législatives au Liban

par Tom Perry, Laila Bassam et Ellen Francis

BEYROUTH (Reuters) - Le Hezbollah chiite et ses alliés ont remporté un peu plus de la moitié des sièges au Parlement libanais lors des élections législatives de dimanche, selon les résultats préliminaires annoncés par les politiques et la presse.

Considéré comme un groupe terroriste par les Etats-Unis, le Hezbollah est sorti renforcé de sa participation à la guerre en Syrie, où il soutient le président Bachar al Assad. Sa prépondérance au Liban vient confirmer l'influence de Téhéran dans la zone Syrie-Irak-Liban.

Dans une allocution télévisée, le chef du Hezbollah, le cheikh Sayyed Hassan Nasrallah, a salué "une victoire politique et morale de la résistance".

Le décompte non officiel de ces premières élections législatives depuis neuf ans fait en parallèle ressortir de lourdes pertes pour le Premier ministre Saad Hariri, soutenu par l'Occident.

Le Courant du Futur, le mouvement de Hariri, a remporté 21 sièges, contre 33 lors du précédent scrutin tenu en 2009.

Malgré ce recul, Saad Hariri apparaît le mieux placé pour constituer le prochain gouvernement, son parti formant le plus important bloc à la Chambre des députés, qui compte 128 sièges. Le Premier ministre libanais doit être sunnite dans le système confessionnel de partage du pouvoir en vigueur au Liban.

"Je tends la main à tout Libanais pour contribuer à la stabilité politique et à l'amélioration des conditions de vie de l'ensemble des Libanais", a déclaré Hariri dans une allocution télévisée. Il a ajouté que ces élections étaient un signe "très positif" envoyé à la communauté internationale.

Les grands partis devraient tous faire partie du nouveau gouvernement, comme c'était le cas dans le gouvernement sortant.

"GIFLE POUR HARIRI"

Les élections se sont déroulées selon une nouvelle loi complexe qui a mis du temps à être votée. Les circonscriptions électorales ont été redéfinies. Et la proportionnelle a remplacé le système majoritaire. Le ministre de l'Intérieur a déclaré que les résultats officiels seraient annoncés lundi.

En une, le journal pro-Hezbollah Al Akhbar qualifie les élections législatives de "gifle" pour Saad Hariri.

Une alliance anti-Hezbollah menée par Hariri et soutenue par l'Arabie saoudite avait remporté la majorité au Parlement lors des précédentes élections législatives, en 2009, avant de s'effriter.

Le Parlement avait étendu à trois reprises depuis 2009 son propre mandat, dont la durée originelle était de quatre ans.

La participation a été de 49,2%, contre 54% il y a neuf ans.

Le Hezbollah et ses alliés ont obtenu au moins 67 sièges, selon un calcul de Reuters. Les alliés du Hezbollah comprennent le mouvement chiite Amal du président du Parlement Nabih Berri et le Courant patriotique libre (CPL), parti du président libanais Michel Aoun, un chrétien maronite.

Parmi les candidats élus soutenus par le Hezbollah figurent Djamil al Sayyed, un général chiite à la retraite et ancien chef des services secrets libanais et un ami du président syrien Assad.

Djamil al Sayyed était l'un des hommes les plus puissants du Liban au cours des 15 années de domination syrienne qui ont suivi la guerre civile (1975-1990).

Au moins cinq autres personnalités qui ont exercé leurs fonctions au cours de cette période retournent au Parlement pour la première fois depuis que les forces syriennes se sont retirées du Liban après l'assassinat de Rafik Hariri, le père de Saad Hariri, en 2005.

"HEZBOLLAH = LIBAN", DIT UN MINISTRE ISRAÉLIEN

Faiçal Karamé, le fils du défunt Premier ministre pro-syrien Omar Karamé, a remporté un siège pour la première fois.

Mais le Hezbollah a perdu du terrain dans l'un de ses bastions, la circonscription de Baalbek-Hermel. Deux des 10 sièges ont été remportés par ses adversaires.

Le parti chrétien des Forces libanaises de Samir Geagea, anti-Hezbollah, devrait avoir pratiquement doublé le nombre de ses députés qui passeraient de huit à 15, selon les premières indications.

Un des ministres membres du cabinet de Sécurité israélien a déclaré lundi que le score du Hezbollah aux élections montrait que l'Etat libanais se confondait avec le groupe chiite soutenu par l'Iran et que, de ce fait, Israël ne devra pas faire de différence entre les deux en cas de guerre.

Le vote du Liban devrait être suivi le 12 mai par des élections en Irak qui devraient également souligner l'influence de l'Iran.

L'Iran a dit lundi respecter le vote exprimé par la population libanaise aux législatives.

"Le Liban est un pays indépendant(...). L'Iran respecte le vote des Libanais(...) Nous sommes disposés à coopérer avec le gouvernement élu par la majorité", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, cité par la télévision publique iranienne.

A Paris, le porte-parole du Quai d'Orsay a déclaré que "La France félicite le Liban pour la tenue, hier, des élections législatives. Ces élections marquent une étape importante dans la vie politique et démocratique du pays."

Le Liban, qui a accueilli un million de réfugiés qui ont fui la guerre en Syrie voisine, qui représentent un quart de sa population, compte beaucoup sur l'aide étrangère.

Mais les bailleurs de fonds internationaux veulent voir le Liban entreprendre des réformes économiques sérieuses pour réduire le niveau d'endettement de l'Etat avant qu'ils ne donnent les milliards promis lors d'une conférence qui s'est tenue à Paris en avril.

(avec Sophie Louet à Paris, Jean Terzian, Danielle Rouquié, Eric Faye et Guy Kerivel pour le service français)