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La CGT ne parvient pas à rallier les syndicats à sa cause

PARIS (Reuters) - Les militants de la CGT se sont retrouvés pratiquement seuls à manifester dans les rues de France jeudi, l'appel du syndicat à une journée de "convergence des luttes" étant ignoré par les autres centrales malgré un climat social tendu.

Les 190 cortèges prévus dans tout le pays ont réuni 300.000 personnes, selon la CGT, et 119.500 (108.000 en régions et 11.500 à Paris), selon la préfecture.

A Paris, des incidents ont opposé les forces de l'ordre à quelque 200 personnes cagoulées et vêtues de noir "cherchant à en découdre" qui ont brisé des vitrines, endommagé du mobilier urbain et jeté des projectiles contre les forces de l'ordre, a ajouté la police. Deux personnes ont été interpellées et sept policiers ont été légèrement blessés.

Celui de Marseille, qui a réuni 65.000 personnes selon les organisateurs mais seulement 5.000 selon la police, a vu le dirigeant de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, appuyer la CGT en jugeant nécessaire la "coïncidence des luttes".

"On est en train d'entrer dans le coeur du bras de fer. Tout se joue là. Il faut maintenant être discipliné et bien regroupé parce que l'assaut est sévère et multiforme", a-t-il dit.

"Nous sommes là pour défendre le service public, nous ne voulons pas de privatisation comme en Angleterre", a expliqué Fabrice, cheminot portant le brassard rouge de la CGT, dans le cortège lyonnais qui a rassemblé de 4.400 à 8.000 personnes.

La situation se tend en outre à la SNCF, où les syndicats représentatifs ont annoncé jeudi, jour de la quatrième grève intermittente, qu'ils suspendaient d'un commun accord les concertations avec la ministre des Transports et demandaient à être reçus par le Premier ministre Edouard Philippe.

"DOMMAGE", DIT MARTINEZ

Mais malgré la grogne qui s'exprime dans les hôpitaux, les universités, chez les fonctionnaires et retraités, la "convergence de luttes" ne prend pas forme.

A Bordeaux, les cortèges de cheminots en grève et d'étudiants qui occupent depuis plus d’un mois la faculté de sociologie ont rejoint celui des postiers de Gironde en grève depuis trois semaines et les salariés de Ford Blanquefort, où 900 emplois sont menacés, des personnels d’Air France, des électriciens, des personnels hospitaliers, des retraités, des lycéens, ainsi que des salariés de Dassault.

"C'est dommage que, dans de nombreuses professions, les salariés se mobilisent avec l'ensemble des organisations syndicales et qu'au niveau national, on ait du mal à donner des signes d'encouragement à tous ceux qui se mobilisent", a reconnu le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, dans le cortège parisien qui a réuni 11.500 personnes selon la police.

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a d'ailleurs annoncé jeudi sur Public Sénat qu'il ne participerait pas à la mobilisation unitaire souhaitée par la CGT le 1er mai, mais tiendrait un rassemblement avec d'autres syndicats dits réformistes, la CFTC et l'UNSA.

"Aujourd'hui, il y a beaucoup de mécontentements", a-t-il expliqué. "Si on veut aboutir, il faut agir secteur par secteur et ne pas faire la convergence des luttes qui, en termes de revendication concrète pour les travailleurs, ne fonctionne pas. C'est plus une démarche politique qui n'est pas la nôtre."

Dans ce contexte, le gouvernement se montre serein.

Après Emmanuel Macron, qui a dit dimanche dernier, lors de son interview télévisée sur BFM TV, RMC et Mediapart, ne pas croire à une "coagulation" des mécontentements, le gouvernement a défendu jeudi un dialogue sans "mollesse".

LA SNCF, FOYER LE PLUS VIRULENT

"Je ne crois pas dans la convergence des luttes. Il y a des colères, mais je ne vois pas de points communs", a assuré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, sur BFM TV.

"Ne confondons pas totalement la grogne sociale et les Français", a déclaré pour sa part son collègue de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, sur RTL. "La méthode du gouvernement d'Emmanuel Macron ça a toujours été le dialogue mais le dialogue ne veut pas dire la mollesse."

La SNCF reste le foyer de contestation le plus virulent.

Dans le sillage des annonces du gouvernement sur la filialisation du fret et la fin de l'embauche au statut de cheminot à compter de 2020, Laurent Berger, qui réfute par ailleurs une logique de convergence, met en garde contre un passage en force.

"On a un gouvernement qui est précis dans les annonces qui heurtent les cheminots, je parle de la filialisation du fret, de l'annonce d'une date précise pour la fin du statut, sans en avoir parlé avant aux cheminots lors des réunions bilatérales, et par contre qui est beaucoup moins précis sur la façon dont sera reprise la dette", dit-il.

"C'est une façon de faire qui est totalement improductive s'il y a une volonté de sortir de ce conflit", prévient-il. "Il y a une petite tentative de faire du bloc contre bloc, c'est-à-dire à la fin il faut un gagnant et un perdant."

Le taux de déclaration de grévistes est passé de 48% au début du conflit à 32%. Globalement, selon la direction, plus de trois cheminots sur quatre étaient à leur poste jeudi, un chiffre marquant un léger renforcement par rapport à mercredi.

(Julie Carriat et Yves Clarisse, avec Myriam Rivet et Emmanuel Jarry, Catherine Lagrange à Lyon, Jean-François Rosnoblet à Marseille, Claude Canellas à Bordeaux, édité par Yves Clarisse et Elizabeth Pineau)