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Le gouvernement reprend espoir sur la réforme constitutionnelle

PARIS (Reuters) - Les députés ont adopté mercredi à la majorité des trois cinquièmes le projet de loi qui inscrit dans la Constitution l'état d'urgence et la déchéance de nationalité pour les personnes condamnées pour terrorisme, redonnant au gouvernement l'espoir de voir ce texte finalement approuvé par le Congrès. Il faudra en effet passer ce même seuil lorsque les députés et sénateurs réunis à Versailles, sans doute en avril, se prononceront sur ce texte, à condition que les sénateurs approuvent préalablement le projet de loi en mars. "Je suis convaincu que ce texte sera approuvé par une majorité au Congrès. Chaque étape maintenant doit être franchie", a dit le Premier ministre Manuel Valls à la presse juste après le vote par 317 voix contre 199 du projet de loi constitutionnelle "de protection de la Nation". Ce résultat est meilleur que le vote qui avait sonné comme un avertissement, dans la nuit de mardi à mercredi, de l'article 2 du texte qui porte sur la déchéance de nationalité, annoncée par François Hollande après les attentats du 13 novembre. Cet article avait été adopté avec une marge de seulement 14 voix (162 voix contre 148) malgré les mises en garde répétées de Manuel Valls à son camp sur le risque de fragilisation du président et les appels à voter "pour" de l'ancien président Nicolas Sarkozy, opposé en cela à François Fillon dans son camp. Ainsi, en ce qui concerne le vote sur l'article 2, 119 députés socialistes ont voté pour, 92 ont voté contre et dix se sont abstenus; 32 députés "Les Républicains" ont voté pour et 30 ont voté contre tandis que six se sont abstenus. SOCIALISTES ET RÉPUBLICAINS DIVISÉS Mercredi après-midi, 165 députés socialistes ont voté pour le projet de loi dans son ensemble mais 83 ont voté contre et 36 se sont abstenus. Parmi les Républicains, 111 ont voté pour et 74 contre, dont l'ancien Premier ministre François Fillon. "Ce texte ne sert à rien", a déclaré ce dernier, estimant que l'on perdait son temps à débattre de réforme de la Constitution au lieu de lutter contre le terrorisme. Les centristes de l'UDI et les Radicaux de gauche ont majoritairement voté pour, tandis que les écologistes et le Front de gauche votaient majoritairement contre. L'article premier, qui constitutionnalise l'état d'urgence, a été adopté avec plusieurs amendements, comme celui qui constitutionnalise le contrôle du Parlement sur la mise en oeuvre des mesures de l'état d'urgence. La première prolongation de l'état d'urgence est limitée à quatre mois, la prolongation au-delà nécessitant une nouvelle autorisation du Parlement. Comme il s'y était engagé à l'égard du groupe Les Républicains, le Premier ministre a demandé une seconde délibération pour rejeter un amendement PS qui remettait en cause le pouvoir de dissolution de l'Assemblée par le président. Le projet de loi constitutionnelle est accompagné de deux projets de lois ordinaires d'application qui seront examinés ultérieurement. A la demande du groupe PS, celui relatif à la déchéance ne contient plus de référence à l'interdiction de l'apatridie, ce qui signifie un retour à la "déchéance pour tous", binationaux et mononationaux, et précise que la déchéance sera une "peine complémentaire" prononcée le cas échéant par un juge antiterroriste ou pénal et non par l'autorité administrative. ET MAINTENANT LE CONGRÈS Pour la frondeuse socialiste Aurélie Filippetti, qui a voté contre, le vote de mardi soir sonne le glas des espérances de l'exécutif et marque une "fracture très grave au sein du vote socialiste". "Ça veut dire que ce projet d'inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution ne sera pas voté en Congrès à Versailles", a dit la députée sur France Info. Aurélie Filippetti a souligné que le ministre de l'Economie Emmanuel Macron avait critiqué mardi soir la déchéance de nationalité lors d'une conférence organisée par la Fondation France-Israël. "On a prêté trop d'importance à ce débat", a jugé l'un des ministres les plus populaires du gouvernement, selon les propos rapportés par Le Figaro.fr. "J'ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place que ce débat a prise. (...) On ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale", a-t-il ajouté. Ces propos, qui ont ajouté à l'ire de Manuel Valls, selon des sources parlementaires, ont galvanisé les frondeurs. Mercredi, Emmanuel Macron a estimé que ses propos avaient été mal compris, précisant qu'il ne s'était pas exprimé contre la mesure mais contre la tournure prise par le débat. "Mon souhait le plus profond, c'est que cette réforme puisse se faire comme le président de la République l'a voulu, parce que je suis loyal au président de la République et en sincérité avec mes convictions", a-t-il dit sur iTELE. "Je pense qu'il ne faut pas donner plus de sens à ce débat qu'il ne doit en avoir", a-t-il ajouté. (Jean-Baptiste Vey, Sophie Louet et Gérard Bon, avec Elizabeth Pineau, Emile Picy, édité par Yves Clarisse)