Le gouvernement résilie le contrat avec Ecomouv'

Le gouvernement a décidé de résilier le contrat signé avec la société Ecomouv' qui devait collecter l'écotaxe, un dispositif auquel l'exécutif a renoncé sous la pression des routiers. /Photo d'archives/REUTERS/Stéphane Mahé

par Gregory Blachier PARIS (Reuters) - Le gouvernement a annoncé jeudi la résiliation du contrat avec Ecomouv', la société qui devait collecter l'écotaxe, et entend contester la validité de l'accord pour éviter d'avoir à payer une indemnité potentiellement très lourde. L'écotaxe, qui avait provoqué la colère des "Bonnets rouges" bretons, avait été remplacée par un péage de transit poids lourds plus restreint, lui-même abandonné sous la pression des transporteurs routiers, il y a trois semaines. La dénonciation pure et simple du contrat signé en octobre 2011 coûterait en théorie environ un milliard d'euros à l'Etat - 800 millions pour l'indemnisation des dépenses engagées par Ecomouv' et 250 millions de loyer pour 2014. La société Ecomouv', filiale de l'italien Atlantia, avait déjà mis en place 173 portiques, d'une valeur de 500.000 à un million d'euros, permettant de recenser les passages sur les routes et compte 200 salariés environ à Metz. La perception de l'écotaxe devait aussi assurer l'emploi en Moselle d'une centaine de douaniers, dont la réaffectation est prévue sur "un service à caractère national et pérenne", selon le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert. Le gouvernement devait trancher vite, puisqu'un compromis signé au printemps dernier prévoyait une augmentation du montant de l'indemnisation en cas de décision après le 31 octobre. Pour échapper à une compensation qui serait bien mal venue alors que la France a déjà dû justifier auprès de l'Union européenne la dérive de son déficit prévu à 4,3% cette année au lieu des 3% imposés, le gouvernement veut ouvrir un débat juridique et, dans l'idéal, démontrer une nullité du contrat. JUSTICE AU POINT MORT "Dans la lettre de résiliation, il sera rappelé que des doutes ont été émis sur la validité du contrat initial au regard des exigences constitutionnelles qui s'imposent à l'Etat lorsqu'il confie à des personnes privées la gestion de certaines activités", a dit le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, lors des questions au gouvernement au Sénat. "Vous connaissez ces objections puisqu'elles ont été soulevées par d'éminents juristes lors des auditions devant la commission" du développement durable du Sénat, a-t-il ajouté. Une commission d'enquête sénatoriale s'est penchée au premier trimestre sur les conditions d'attribution du marché à Ecomouv' et, si elle en a contesté certains aspects et surcoûts, elle n'avait pas remis en cause la validité du contrat. En parallèle, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Nanterre en novembre 2013 et confiée à la Brigade de répression de la délinquance économique. Mais le gouvernement devra sans doute aller plus vite que la justice, l'enquête ne pouvant connaître d'évolution rapide selon une source judiciaire, en raison du départ du procureur de Nanterre Robert Gelli, pas encore remplacé de façon pérenne. Rien ne dit que la résiliation du contrat mènera l'Etat et Ecomouv' devant un tribunal. A ce jour, elle permet d'éviter une augmentation de l'indemnité potentielle et de clarifier la situation pour les salariés, dit-on au cabinet d'Alain Vidalies. Ce faisant, le gouvernement ouvre un débat juridique dont la conclusion pourrait tout aussi bien être une transaction amiable qu'un contentieux ou un arbitrage, puisqu'entre dialogue et recours légal, rien n'est encore tranché. FAIRE BAISSER LA FACTURE Atlantia a déclaré jeudi que le contrat signé garantissait le remboursement de ses investissements. L'Etat va quoi qu'il en soit chercher à faire baisser la facture, car le paiement d'un milliard d'euros d'indemnités pèserait très lourd au moment où il cherche une solution pour financer les infrastructures de transports. L'abandon de l'écotaxe, qui devait rapporter 800 millions d'euros par an, puis du péage de transit poids lourds dont la recette était estimée à 500 millions d'euros, a conduit l'Etat à augmenter de deux centimes par litre la taxe sur le gazole. Il a en outre supprimé l'exonération de deux centimes par litre accordée aux transporteurs routiers en prévision de l'écotaxe. Le total de ces deux mesures devrait rapporter 1,15 milliard par an - 800 et 350 millions respectivement. Mais le gouvernement a ouvert des discussions avec les organisations du transport routier pour trouver un financement pérenne, et pour faire contribuer les transporteurs étrangers. Il souhaite par ailleurs obtenir une participation des sociétés d'autoroutes, pointées du doigt pour leurs bénéfices massifs, et a engagé des discussions dans ce sens, même si connaisseurs du dossier mettent en doute ses chances d'aboutir. (Avec Yann Le Guernigou et Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)