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La France défie Bruxelles sur son effort sur le déficit

par Jean-Baptiste Vey et Yann Le Guernigou PARIS (Reuters) - La France a annoncé mercredi un effort de réduction de son déficit public structurel (hors effet de la conjoncture) inférieur aux souhaits des instances européennes, invoquant la nécessité de ne pas porter atteinte à la reprise de l'économie. L'application stricte de la recommandation faite fin février par la Commission "aurait fait chuter la croissance et par là même nous aurait empêché de faire reculer le chômage", a déclaré le ministre des Finances, Michel Sapin. "Nous avons considéré qu'une autre voie était possible", a-t-il ajouté lors de la présentation à la presse du programme de stabilité de la France pour 2015 à 2018 qui sera remis à Bruxelles. Concrètement, le déficit structurel baissera de 0,5 point par an sur 2015, 2016 et 2017, ce qui nécessitera un effort supplémentaire de quatre milliards d'euros sur les finances publiques cette année puis cinq milliards l'an prochain, a indiqué Michel Sapin. C'est moins que ne l'a recommandé la Commission européenne - 0,5 point cette année puis 0,8 et 0,9 point respectivement pour 2016 et 2017 - en donnant à Paris un nouveau délai de deux ans, jusqu'en 2017, pour ramener son déficit dans les clous du pacte de stabilité, sous 3% du produit intérieur brut. Avec la Commission, "le débat est parfaitement légitime, nous le porterons", a ajouté Michel Sapin. Le gouvernement avait dévoilé la semaine passée de nouveaux objectifs de déficit "nominaux" pour 2015, 2016 et 2017, légèrement plus ambitieux que ceux figurant dans la recommandation de l'exécutif européen, avec une trajectoire à 4% fin 2014, 3,8% en 2015, 3,3% en 2016 puis 2,7% en 2017. La partie structurelle du déficit passerait dans le même temps à 1,6% fin 2015, 1,1% fin 2016 et 0,6% fin 2017. SUIVRE LA COMMISSION PROVOQUERAIT UNE HAUSSE DE LA DETTE L'ajustement structurel recommandé par la Commission puis par le Conseil de l'Union européenne provoquerait, selon la Commission, un ralentissement de la croissance du PIB à seulement 0,7% en 2016 et 0,8% en 2017, au lieu de 1,8% sur chacune de ces années sans consolidation budgétaire. Selon le ministère des Finances, cet ajustement, s'il était mis en oeuvre, "induirait mécaniquement une progression significative de la dette qui avoisinerait 100% du PIB à l'horizon 2017", lit-on dans le programme de stabilité dévoilé mercredi. "Par ailleurs, avec un rythme de croissance aussi faible, le taux de chômage continuerait d'augmenter jusqu'en 2017 inclus", poursuit le texte. "Tout le monde est d'accord là dessus, y compris au sein de la Commission, cet effort supplémentaire - j'allais dire pour le plaisir du structurel - faisait chuter la croissance en dessous de 1% et mettait la France en situation de ne pas pouvoir faire reculer le chômage", a insisté Michel Sapin devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale. "Il nous mettait dans une situation difficile par ailleurs pour atteindre nos objectifs nominaux", a-t-il ajouté. Le gouvernement a annoncé pour sa part tabler sur une croissance de 1,0% du PIB cette année, puis 1,5% en 2016 comme en 2017, un rythme permettant de faire reculer le chômage, et sur une baisse de la dette publique à cet horizon après un pic à 97,0% du PIB fin 2016. Ces hypothèses de croissance, inférieures à celles de certains économistes, du FMI ou de l'OCDE, constituent selon le gouvernement "un plancher", a répété Michel Sapin. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a jugé mercredi prudentes ces prévisions de croissance. Dans son avis sur le programme de stabilité, il exprime en revanche des réserves sur les hypothèses de croissance potentielle trop élevées à son goût, qui sous-tendent l'effort structurel affiché. Selon le ministère des Finances, les quatre milliards d'euros d'effort supplémentaire programmés pour 2015 viendront pour plus de moitié de nouvelles économies - 1,2 milliard de l'Etat et ses opérateurs, 1 milliard de la santé et de la protection sociale - pour 1,2 milliard de la baisse de la charge de la dette grâce aux taux d'intérêt très bas, pour 0,4 milliard de la lutte contre la fraude fiscale et 0,2 milliard de dividendes. "Ce n'est pas un effort de rigueur ou d'austérité supplémentaire", a déclaré le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert. Cet effort serait formalisé par voie réglementaire ou en gestion et non par une loi de finances rectificative. Les cinq milliards de 2016 proviendront quant à eux pour 1,6 milliard de l'Etat et ses opérateurs, 2,2 milliards des administrations de sécurité sociale et 1,2 milliard des collectivités territoriales. (édité par Yves Clarisse)