Le gouvernement afghan pas d'accord pour privatiser la guerre

Erik Prince, le fondateur de la société de sécurité privée Blackwater. La société a proposé au gouvernement afghan de reprendre certaines opérations militaires réalisées par les Etats-Unis en Afghanistan, comme l'entraînement des forces armées afghanes, ce que le pouvoir à Kaboul a catégoriquement refusé. /Photo d'archives/REUTERS/Larry Downing

par James Mackenzie

KABOUL (Reuters) - La société de sécurité privée Blackwater a proposé au gouvernement afghan de reprendre certaines opérations militaires réalisées par les Etats-Unis en Afghanistan, comme l'entraînement des forces armées afghanes, ce que le pouvoir à Kaboul a catégoriquement refusé.

Blackwater a été fondée par Erik Prince, un ancien membre des SEAL, les forces spéciales de l'US Navy, dont la soeur Betsy De Vos est secrétaire à l'Éducation du gouvernement du président Donald Trump.

L'ex-Navy SEAL aurait proposé de remplacer les conseillers militaires des États-Unis et de l'Otan par des anciens militaires des forces spéciales des États-Unis et des pays alliés qui seraient intégrés aux forces afghanes.

Le plan avait été évoqué l'année dernière alors que Donald Trump envisageait une nouvelle stratégie pour l'Afghanistan, mais il n'a pas été adopté et, à la place, Washington a ordonné l'envoi de milliers de soldats américains supplémentaires pour renforcer les forces existantes.

Les États-Unis ont environ 14.000 soldats en Afghanistan, qui participent à la mission de formation et de conseil Resolute Support, dirigée par l'Otan. Les forces américaines participent aussi à des opérations antiterroristes contre des groupes tels que l'État islamique.

Lors d'une récente visite à Kaboul, Erik Prince a fait pression sur plusieurs personnalités politiques afghanes et accordé des interviews à Tolo News, la principale chaîne de télévision du pays, ainsi qu'au New York Times.

DONALD TRUMP MÉCONTENT

Le président Ashraf Ghani a rejeté à plusieurs reprises les propositions de l'ex-Navy SEAL. Son conseiller à la sécurité nationale a publié jeudi une déclaration condamnant un "débat destructeur et source de division".

"Le gouvernement et le peuple afghans ne permettront en aucun cas que la lutte contre le terrorisme devienne une entreprise privée à but lucratif", indique le communiqué.

Le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a également réfuté cette idée au mois d'août en déclarant: "Lorsque les Américains mettent en jeu la crédibilité de leur pays, la privatisation n'est sans doute pas une bonne idée."

Des responsables afghans affirment qu'une initiative visant à remplacer les conseillers militaires américains par des contractants privés entamerait encore un plus la légitimité du gouvernement à l'approche de l'élection présidentielle d'avril, et apporterait de l'eau au moulin des taliban qui affirment que la guerre est menée au profit d'intérêts étrangers.

Dans le cadre de la stratégie annoncée par Donald Trump il y a un peu plus d'un an, le renforcement des effectifs militaires et l'intensification des frappes aériennes contre les taliban ont pour objectif de forcer les insurgés à s'asseoir à la table des négociations.

Un bref cessez-le-feu en juin a laissé espérer une avancée décisive avec les taliban, mais les progrès en vue de la conclusion d'un accord de paix se sont révélés très lents et les combats se sont poursuivis avec un nombre croissant de victimes militaires afghanes. Ce qui a suscité des questions sur la pertinence de cette stratégie.

On dit Donald Trump mécontent du peu de progrès réalisés. Certains diplomates craignent que le président américain ne revienne sur sa stratégie et ne décide de retirer les troupes américaines d'Afghanistan. Ce qui risquerait de provoquer l'effondrement du gouvernement soutenu par les pays occidentaux.

(Danielle Rouquié pour le service français)