Publicité

Le fonds activiste Elliott s'attaque à Pernod Ricard

par Pascale Denis

PARIS (Reuters) - Le fonds activiste Elliott a annoncé mercredi avoir pris une participation de plus de 2,5% au capital de Pernod Ricard avec pour objectif d'améliorer la performance opérationnelle et la gouvernance du groupe.

Le fonds américain, qui a déboursé plus de 930 millions d'euros pour entrer au capital du numéro deux mondial des spiritueux, estime que Pernod Ricard possède un portefeuille de marques "exceptionnel offrant un potentiel d'amélioration significatif" mais que le groupe a perdu des parts de marché et a sous-performé ses principaux concurrents.

Il déplore notamment "une marge opérationnelle de cinq points inférieure" à celle du britannique Diageo et juge "décevante" la croissance externe du groupe, notamment l'acquisition de la vodka Absolut en 2008.

Une gouvernance "inadaptée" et une culture "peu ouverte sur l’extérieur" expliquent en partie, selon lui, "une sous-performance significative en termes de rendement total pour les actionnaires".

Elliott réclame un plan "d'amélioration opérationnelle plus ambitieux pour combler l'écart de rentabilité avec la concurrence et l'alignement de la gouvernance d'entreprise avec les meilleures pratiques de marché".

Le fonds, qui signe sa première incursion dans une entreprise du CAC-40, s'intéresse à Pernod Ricard depuis environ un an et a déclaré avoir franchi le seuil de 0,5% du capital le 7 novembre. Ses représentants ont rencontré le PDG du groupe, Alexandre Ricard, le 22 novembre.

ELLIOTT ÉVOQUE LA PISTE D'UNE FUSION

Selon une source proche du dossier, il réclame, dans un courrier envoyé au conseil d'administration, que le groupe engage des économies de coûts de 500 millions d'euros. Il évoque aussi la possibilité d'une fusion avec un concurrent.

Pernod Ricard a pour sa part fait valoir que sa stratégie était la bonne, que l'entreprise avait dépassé les objectifs de son dernier plan stratégique, qu'elle avait créé 11,0 milliards d'euros de valeur pour ses actionnaires depuis 2015 et qu'elle restait engagée dans une stratégie de création de valeur sur le long terme pour toutes les parties prenantes.

L'arrivée d'Elliott a dopé le titre en Bourse. La valeur, qui se traitait déjà près de ses sommets historiques, a pris 5,7% et touché un nouveau plus haut à 148,75 euros, signant la meilleure performance du CAC 40 (+2,4%). A ce niveau, elle gagne 12,5% depuis le début de l'année, pour une capitalisation boursière de 37,4 milliards.

Performances vins & spiritueux européens depuis cinq ans:

Les analystes de Jefferies estiment à 105% le rendement total du titre au cours des dix dernières années, contre 145% pour Diageo, 181% pour Campari et 220% pour Rémy Cointreau. Ceux de Bernstein soulignent que ce rendement a souffert après l'acquisition d'Absolut mais que sur cinq ans, il se situe "parmi les meilleurs du secteur".

Pour Trevor Sterling (Bernstein), Pernod Ricard peut certes faire preuve de plus d'efficacité "mais il a déjà engagé d'importants plans d'économies et n'a pas besoin d'être poussé à faire davantage".

D'une façon générale, les analystes n'anticipent pas de changement majeur dans la stratégie, compte tenu de la solide performance boursière du titre - qui a pris 38% depuis 2015 - et de l'engagement de la famille Ricard, qui contrôle 21% des droits de vote du groupe.

Jefferies estime cependant que "cela pourrait mettre davantage l'accent sur une accélération de la marge opérationnelle".

RENTABILITÉ OPÉRATIONNELLE INFÉRIEURE À CELLE DE DIAGEO

Au cours du dernier exercice, la marge opérationnelle courante de Pernod Ricard est ressortie à 26,23%, tandis que celle du numéro un mondial Diageo a atteint 31,4%.

Depuis son arrivée à la tête du groupe, en 2015, Alexandre Ricard a fait de l'accélération de la croissance sa première priorité et Pernod Ricard a dépassé les objectifs de moyen terme qu'il s'était fixés, la dynamique asiatique ayant compensé les faiblesse d'Absolut aux Etats-Unis.

Le propriétaire du cognac Martel ou du scotch Chivas, qui s'est aussi profondément transformé pour doper son efficacité, a également dépassé ses objectifs de croissance organique de son résultat opérationnel tandis qu'un nouveau plan stratégique est en préparation.

La famille Ricard détient 15% du capital tandis que la holding belge GBL, alliée de la famille en raison de sa proximité avec Albert Frère - récemment disparu - détient 7,5% du capital et 10,9% des droits de vote.

Sur un conseil de 14 membres, le groupe compte sept administrateurs indépendants, dont deux sont liés à GBL et sont de ce fait considérés comme des "alliés" par les investisseurs.

Les manoeuvres d'Elliott vis-à-vis d'autres groupes ont connu des fortunes diverses. Le fonds est récemment parvenu à ravir à Vivendi le contrôle du conseil de Telecom Italia et a poussé Whitbread à céder sa chaîne Costa Coffee.

Mais il n'est pas parvenu, l'an dernier, à faire accepter par le néerlandais Akzo Nobel une offre hostile de l'américain PPG.

(Avec Martinne Geller et Maiya Keidan à Londres, édité par Bertrand Boucey)