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Le couvercle de l'EPR de Flamanville risque de ne pas durer

Le couvercle de la cuve du réacteur nucléaire EPR de Flamanville ne pourra pas rester en service au-delà de "quelques années" en l'absence de contrôles dont EDF n'a pas démontré la faisabilité, selon un rapport de l'ASN. /Photo d'archives/REUTERS/Benoit Tessier/File Photo

par Benjamin Mallet et Geert De Clercq PARIS (Reuters) - A l'avant-dernier paragraphe de notre dépêche de lundi, corrige la conversion en euros dans la parenthèse Le couvercle de la cuve du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche) ne pourra pas rester en service au-delà de "quelques années" en l'absence de contrôles dont EDF n'a pas démontré la faisabilité, selon un rapport de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) obtenu par Reuters. Si ce rapport du gendarme du nucléaire français conclut globalement à une aptitude au service de la cuve de l'EPR, EDF risque donc de devoir très rapidement changer le couvercle de cet équipement fabriqué par Areva NP après la mise en service du réacteur, prévue pour fin 2018. L'ASN avait exigé une série de contrôles après l'annonce en 2015 d'une trop forte concentration en carbone dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve de l'EPR, qui risquait de compromettre sa résistance. Selon son rapport réalisé avec l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), "l'utilisation du couvercle actuel de la cuve de l'EPR ne saurait être envisagée au-delà de quelques années de fonctionnement sans que les contrôles nécessaires au renforcement du deuxième niveau de défense en profondeur n'aient été mis en oeuvre". "Le rapporteur considère que l'aptitude au service du couvercle actuel de la cuve du réacteur EPR de Flamanville n'est pas acquise de manière pérenne en l'absence de contrôles en service suffisants (...)." Le rapport, présenté lundi et mardi à un groupe d'experts avant un premier avis de l'ASN attendu dans la foulée, ajoute que "le dossier technique transmis par Areva NP et EDF sur les contrôles de suivi en service est très succinct et qu'il n'apporte aucun élément technique sur la faisabilité des contrôles, leur performance et les conditions d'intervention en termes de radioprotection". Le document ajoute qu'EDF s'est engagé à analyser fin 2025 les conclusions d'études de faisabilité technique de nouveaux procédés de contrôle et, en cas de conclusions négatives, à remplacer le couvercle lors de la première visite décennale. Le gendarme du nucléaire français note en outre que l'EPR de Flamanville a été conçu pour une durée de fonctionnement de 60 ans et que de nombreux couvercles de cuves de réacteurs ont été remplacés par le passé. UN NOUVEAU COUVERCLE DÉJÀ COMMANDÉ, SELON BFMTV Selon lui, Areva NP estime que le délai nécessaire pour remplacer le couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville est inférieur à 80 mois et un nouvel équipement "pourrait donc être disponible avant fin 2024 si son approvisionnement était engagé en 2017". Selon BFMTV, EDF s'attend "depuis plusieurs mois" à ce que l'ASN lui demande de remplacer le couvercle de la cuve de Flamanville et "aurait même déjà commandé la fabrication d'une nouvelle pièce". Un article publié lundi sur le site internet de la chaîne d'information ajoute que le changement du couvercle de la cuve serait programmé pour 2021, date qui correspondrait au premier rechargement d'uranium du réacteur. Le rapport de l'ASN estime en revanche que l'anomalie mise en évidence en 2015 "ne remet pas en cause l'aptitude au service du fond de la cuve sous réserve que les contrôles (...) prévus par EDF soient adaptés" pour pouvoir détecter certaines anomalies. L'ASN et EDF n'ont pas souhaité commenter les informations de Reuters et de BFMTV. Le feu vert définitif de l'ASN sur l'aptitude au service de la cuve de Flamanville est une des conditions à la recapitalisation d'Areva à hauteur de 5 milliards d'euros - dont 4,5 milliards assurés par l'Etat - et à la vente de son activité réacteurs à EDF, deux opérations dont la finalisation est prévue d'ici à la fin de l'année. EDF a plusieurs fois confirmé ces derniers mois le calendrier et le coût de l'EPR de Flamanville, estimé à 10,5 milliards d'euros depuis septembre 2015. Annoncé à trois milliards d'euros lors de la présentation du projet en 2004, l'EPR de Flamanville devait initialement entrer en service en 2012. Mais des difficultés à répétition sur le chantier et dans la fourniture de certains équipements ont contraint à de multiples reprises EDF à reporter cette date et à revoir à la hausse le coût du projet. Trois autres EPR sont en construction dans le monde : un en Finlande construit par Areva, qui connaît lui aussi d'importants retards et surcoûts ; deux en Chine, dont un au moins devrait être cette année le premier du genre à entrer en service. Après des mois de négociations tendues, la Grande-Bretagne, la France et la Chine ont en outre signé en septembre 2016 le contrat de construction par EDF et le chinois CGN de deux EPR à Hinkley Point, dans le sud-ouest de l'Angleterre, un projet de 18 milliards de livres (2,5 milliards d'euros environ). Lundi, EDF a annoncé qu'une revue complète des coûts et du calendrier du projet était en cours. (Edité par Dominique Rodriguez)