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Le convoi bombardé près d'Alep d'abord suivi par des drones

par Ellen Francis et Lisa Barrington BEYROUTH (Reuters) - Le convoi humanitaire des Nations unies bombardé lundi près d'Alep, dans le nord de la Syrie, avait été survolé au cours des heures précédentes par des avions de reconnaissance, rapportent des témoins. Ces vols de reconnaissance, disent les rebelles et le personnel humanitaire, démontrent le caractère délibéré des frappes mais aussi l'implication des forces russes et syriennes, qui nient tout rôle dans ces bombardements. Les raids, menés peu après la proclamation par Damas de la fin de la trêve négociée par Moscou et Washington entrée en vigueur une semaine plus tôt, ont fait au moins 20 morts et soulevé une vague d'indignation. Dix-huit des 31 camions du convoi qui se rendait à Ourm al Koubra, 14 km à l'ouest d'Alep, ont été détruits par les bombardements que l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) impute à l'aviation russe ou syrienne. "On a d'abord pensé que quelque chose allait se produire parce qu'il y avait quatre ou cinq avions dans le secteur, mais ils n'ont pas ouvert le feu tout de suite", a raconté Abou Chahoud, un militant de l'opposition qui a assisté au bombardement. Selon Hussein Badaoui, chef de l'antenne locale de la Protection civile qui se trouvait à 100 mètres du dépôt du Croissant rouge arabe syrien où l'aide devait être stockée lorsque les raids ont débuté et qui a été blessé à une main, les frappes ont été continues et ont fait un carnage parmi les membres du personnel humanitaire qui déchargeaient les camions. "Il y avait des incendies, des martyrs, des blessés (...) On a pu extraire quatre rescapés et cinq corps au début (...) Les bombardements étaient incessants, incessants. Les secours ne pouvaient pas intervenir. Ceux qui arrivaient en ambulance ne pouvaient pas approcher. "C'est un secteur qui n'aurait pas dû être bombardé. Il appartient à une organisation humanitaire internationale (...) Cette zone est pleine de civils. C'est résidentiel", a-t-il souligné. ZONE "PLEINE DE CIVILS" Selon Moscou, seuls les rebelles connaissaient la position du convoi. Les Nations unies disent quant à elles avoir informé toutes les parties de son itinéraire et assurent que les camions étaient clairement identifiables. Les avions de reconnaissance les ont survolé dès leur départ d'Alep, dans la matinée, a expliqué un membre de l'opposition armée qui faisait partie de l'escorte, ajoutant que des rebelles leur avaient tiré dessus en vain. Le convoi chargé de farine, de vêtements d'hiver, de couvertures, de matériel éducatif et de nourriture pour 78.000 personnes est arrivé à destination en fin de matinée. L'équipe du Croissant rouge d'Alep a alors passé le relais à celle d'Ourm al Koubra pour le déchargement. Des drones ont à nouveau survolé le secteur vers 18h30, d'après Hussein Badaoui, et les raids ont débuté peu après 19h00. On ignore si ce sont des avions ou des hélicoptères qui ont ouvert le feu en premier. Les avis divergent également sur le nombre de frappes et le type d'armes utilisées. Plusieurs membres de l'insurrection et du personnel humanitaire affirment toutefois que des missiles très précis, sans doute tirés par des avions russes, se sont abattus alors que des hélicoptères, supposés être syriens, tiraient à la mitrailleuse et larguaient des barils d'explosif. Des militants de l'opposition notent en outre que la chaîne de télévision RT, financée par la Russie, a relayé lundi des images tournées en continu dans le cadre de la surveillance du cessez-le-feu et provenant du site internet du ministère russe de la Défense, montrant notamment le dépôt humanitaire d'Ourm al Koubra. La retransmission a ensuite été interrompue et l'agence de presse russe Interfax a fait savoir que la caméra avait été endommagée par les rebelles. (Avec Tom Perry à Beyrouth, Stephany Nebehay à Genève et Maria Kiselyova à Moscou, Jean-Philippe Lefief pour le service français)