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Le Conseil d'Etat se prononcera vendredi sur Vincent Lambert

PARIS (Reuters) - L'affaire Vincent Lambert, un patient tétraplégique dont le maintien en vie est au coeur d'un conflit familial, a connu un nouveau rebondissement jeudi devant le Conseil d'Etat, où le rapporteur public a préconisé une nouvelle expertise médicale. La plus haute juridiction administrative française se prononcera vendredi à 16h00. Soit elle se range à la requête du rapporteur public -et dans ce cas la famille ne sera fixée que dans plusieurs semaines- soit elle se résout à trancher définitivement. L'épouse de Vincent Lambert, un trentenaire dans un état de conscience minimale depuis un accident de la route en 2008, l'un des neveux du patient et le CHU de Reims ont saisi le Conseil d'Etat afin de statuer sur le sort du jeune homme, qu'ils refusent de maintenir en vie contre l'avis de ses parents. Face à la complexité du dossier et à ses implications "juridiques, déontologiques, scientifiques, éthiques", l'instance avait décidé de se réunir en formation collégiale. En présence des parties et de leurs avocats, le rapporteur public a exposé jeudi les faits du litige et les arguments adverses aux 17 membres de l'assemblée du contentieux présidée par le vice-président du Conseil d'Etat, Jean-Marc Sauvé. Rémi Keller, soulignant le caractère "hors norme" de l'affaire et assumant "le risque d'un nouveau renvoi", a demandé un supplément d'instruction afin que le Conseil d'Etat prenne "la meilleure décision". Il prône une nouvelle expertise médicale, dans un délai maximal de six semaines, qui serait confiée à trois spécialistes indépendants. A l'issue de l'audience, François Lambert, neveu de Vincent Lambert, a regretté devant les journalistes "une certaine perte de temps" qui ajoutera "de la complexité" à un conflit qui déchire sa famille depuis des mois. La partie adverse, elle aussi insatisfaite de cette décision, a invoqué devant la juridiction la nécessaire protection du "droit à la vie". Les parents de Vincent Lambert, un demi-frère et une soeur du patient, avaient obtenu le 16 janvier du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) la suspension d'une décision d'euthanasie passive prise par le CHU de Reims en accord avec son épouse Rachel. LA LOI LEONETTI EN QUESTION Viviane et Pierre Lambert, mus selon leurs détracteurs par une forte "idéologie" catholique, avaient déjà obtenu en mai 2013 que l'alimentation et l'hydratation artificielles de leur fils soient rétablies alors que le CHU de Reims, où il est hospitalisé, avait décidé d'y mettre un terme. Le docteur Eric Kariger, chef du service de médecine palliative du CHU, avait estimé que cette "remise en cause" de la loi Leonetti bafouait les garanties offertes "à chacun et à chacune de pas être victime un jour d'acharnement". Le praticien a déclaré jeudi à la presse qu'il s'en remettrait à "la sagesse" des juges du Conseil d'Etat. La loi Leonetti de 2005 sur les droits des patients en fin de vie proscrit "l'obstination déraisonnable" et autorise dans certains cas l'euthanasie passive, c'est-à-dire l'interruption de l'alimentation et de l'hydratation artificielles ou l'administration d'opiacés ou de sédatifs à haute dose. Si le patient est dans l'incapacité d'exprimer ses volontés, la décision doit être prise par le médecin chargé du patient en concertation avec l'équipe de soins et la famille. Les avocats des parents de Vincent Lambert estiment que la loi Leonetti ne peut s'appliquer à ce patient qu'ils qualifient de "handicapé" et non atteint d'un mal incurable. A l'inverse, son épouse et François Lambert affirment que Vincent Lambert a manifesté des signes de refus des soins. Ce conflit familial a mis en lumière l'extrême complexité d'une situation de "fin de vie" lorsque la personne concernée n'a pas rédigé de "directives anticipées". "C'est pour le Conseil d'Etat une lourde responsabilité et pour cette personne et sa famille, c'est un drame. D'autres personnes en France vivent un drame de cette nature", a commenté jeudi le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, sur Europe 1. François Hollande s'est engagé à un projet de loi, sans prononcer les termes d'euthanasie et de suicide assisté, pour permettre à toute personne majeure atteinte d'une maladie incurable "de pouvoir demander dans des conditions strictes une assistance médicalisée pour terminer sa vie en dignité". Sophie Louet, édité par Yves Clarisse