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Coup de tabac sur l'auto en Europe et en Asie après l'enquête US

par David Shepardson et Jeff Mason

WASHINGTON (Reuters) - L'enquête ouverte par le gouvernement américain sur les importations de voitures et de camions menace de déclencher un nouveau contentieux commercial et a provoqué un repli généralisé des actions des constructeurs européens et asiatiques.

Le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross a dit jeudi que les investigations ne faisaient que commencer, tout en affirmant que les barrières artificielles érigées par d'autres pays faussaient la donne du marché.

"Il est maintenant devenu très difficile de revenir à un arrangement réciproque", a dit Ross à la chaîne de télévision CNBC, au lendemain de l'annonce de l'enquête, susceptible de déboucher sur de nouveaux droits de douane.

L'enquête, ouverte dans le cadre de la section 232 du Trade Expansion Act de 1962, examinera si les importations d'automobiles et de pièces détachées sont préjudiciables à l'industrie et menacent sa capacité à rechercher et à développer des technologies de pointe, avait expliqué Ross mercredi.

L'imposition de droits de douane sur l'acier et l'aluminium importés en mars avait pareillement été précédée d'une telle enquête.

L'initiative de Washington ouvre un nouveau front dans le combat commercial que le président Donald Trump mène au nom de l'"America First" pour ramener sur le sol américain des emplois délocalisés.

Mais elle ne fait pas l'unanimité aux Etats-Unis mêmes. Orrin Hatch, président de la commission des Finances du Sénat, juge que des droits de douane sur l'automobile seraient une très mauvaise idée et il exhorte le gouvernement à se concentrer sur "les pratiques commerciales de la Chine".

Mettant en avant les effets mitigés sur les producteurs américains des droits sur les métaux, les analystes se gardent bien de s'avancer sur les éventuels avantages que les entreprises et salariés américains en retireraient.

"De telles mesures ne visent en fait qu'à protéger les emplois industriels américains dans les Etats qui ont voté pour Trump et non pas la sécurité nationale", dit David Whiston, analyste de Morningstar. "Nous ne pensons pas que ces droits (s'ils sont imposés) dureront éternellement; nous croyons en revanche qu'ils coûteront des emplois aux Etats-Unis".

Pour l'heure, Wall Street salue l'annonce. General Motors gagne 1,1% et Ford Motor 1,7%.

De nouveaux droits de douane sur l'automobile seraient particulièrement pénalisants pour les constructeurs japonais et coréens, pour lesquels les Etats-Unis sont un marché primordial. De fait, l'annonce de l'enquête a provoqué des dégagements généralisés sur leurs titres.

Toyota Motor a perdu 3,1%, Nissan Motor 1,8% et Honda Motor 3,8% en Bourse de Tokyo. A Séoul, Hyundai Motor a lâché 3,1%.

Les gouvernements japonais, chinois et sud-coréen ont déclaré qu'ils suivaient la situation avec attention, et Pékin, qui voit de plus en plus dans les Etats-Unis un marché automobile à conquérir, a fait savoir qu'il défendrait ses propres intérêts.

"La Chine s'oppose aux clauses sur la sécurité nationale, qui vont nuire fortement au commerce multilatéral et perturber l'ordre commercial international normal", a dit Gao Feng, porte-parole du ministère chinois du Commerce, jeudi lors d'un point de presse à Pékin.

En Europe, le compartiment automobile a abandonné 1,84%. BMW, Volkswagen et Daimler ont perdu de 1,7% à 2,5%. Les trois constructeurs allemands contrôlent ensemble plus de 90% du segment voitures de luxe en Amérique du Nord.

Renault, exposé au marché américain via sa participation de 43,4% dans Nissan, a lâché 1,7%.

Outre les droits de douane, Ross a évoqué des barrières non tarifaires comme les normes, les brevets et d'autres encore.

Les Etats-Unis ont importé 8,3 millions de véhicules en 2017, pour une valeur totale de 192 milliards de dollars (environ 165 milliards d'euros). Dans le détail, 2,4 millions ont été importés du Mexique, 1,8 million du Canada, 1,7 million du Japon, 930.000 de Corée du Sud et 500.000 d'Allemagne, selon les statistiques officielles américaines.

Dans le même temps, les Etats-Unis ont exporté deux millions de véhicules pour une valeur totale de 57 milliards de dollars (49 milliards d'euros).

(avec Susan Heavey à Washington, Rachit Vats à Bangalore, Edward Taylor à Francfort, Laurence Frost à Paris, Esha Vaish à Stockholm et Philipp Blenkinsop à Bruxelles, Bertrand Boucey, Henri-Pierre André, Eric Faye et Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)