Laurent Wauquiez joue à Donald Trump avec cette dangereuse expression

Laurent Wauquiez, le 20 juillet 2021.
Laurent Wauquiez, le 20 juillet 2021.

POLITIQUE - Laurent Wauquiez est remonté contre l’« État profond ». Le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, dont les ambitions présidentielles sont connues, étrille, ce jeudi 11 mai dans une interview au Point, l’administration française et en particulier les « autorités administratives indépendantes », reprenant à cette occasion une expression particulièrement plébiscitée par les soutiens de l’ancien président américain Donald Trump.

« Le premier levier que les politiques ont perdu, c’est l’administration. Un État profond s’est constitué avec une administration qui s’est autonomisée du politique, voire politisée avec ses propres objectifs. Les autorités administratives indépendantes sont un monstre juridique », tacle Laurent Wauquiez. Mais pas uniquement : il fustige aussi le « coup d’État » des « cours suprêmes qui, dans les années 1970 et 1980, se sont arrogé le pouvoir d’écarter la loi ».

Laurent Wauquiez cible nommément la Cnil, l’Arcom, la Cour de cassation, le Conseil d’État, mais aussi la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour de justice de l’Union européenne et « en partie » le Conseil constitutionnel. Il dénonce également, à titre d’exemple, la décision de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) d’interdire certains types de pesticides, une « décision surréaliste (...) qui court le risque de ruiner l’agriculture française et de provoquer potentiellement une famine au Maghreb » ou encore le Conseil d’État à l’origine d’une « jurisprudence qui rend quasi impossible l’exécution de reconduites à la frontière ».

« À force d’avoir mis des contre-pouvoirs, il n’y a plus de pouvoir, c’est pour cela que rien ne change », estime-t-il, en se disant favorable à la suppression de la Cnil, de l’Arcom et de l’Anses, et pour l’inscription dans la Constitution d’« un principe simple imposant que les plus hautes juridictions, à l’exception du Conseil constitutionnel, ne peuvent écarter la loi. »

Un « État profond » ou la notion « d’État dans l’État »

Dans cette interview fleuve, Laurent Wauquiez livre ainsi sa vision des évolutions à mener pour « sortir la France de la décadence ». Mais en parlant d’« État profond », l’ancien numéro 1 de LR reprend une formule (« deep state », en anglais) popularisée aux États-Unis sous la présidence de Donald Trump.

La notion, apparue en Turquie fin des années 1990, renvoie à un « État dans l’État », l’idée « qu’un groupe de personnes, généralement des membres influents d’organismes gouvernementaux ou des militaires » seraient responsables de « la manipulation secrète ou le contrôle de la politique gouvernementale », expliquait dès 2017 dans une tribune sur Le HuffPost Rudy Reichstadt, membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et rédacteur en chef de Conspiracy Watch.

L’expression, qui flirte avec le conspirationnisme, s’est ensuite peu à peu répandue dans certains pays occidentaux, en particulier aux États-Unis dans l’année qui a suivi l’élection de Donald Trump. L’ancien président américain a en effet toujours alimenté l’idée d’une ou plusieurs entités –dont la Cour Suprême, les principaux médias ou encore les agences de sécurité américaines– se liguaient contre lui et sa politique.

Toutefois, comme l’explique Rudy Reichstadt, si le concept d’« État profond » peut être entendu dans le contexte de régimes semi-démocratiques ou autoritaires, « il apparaît en revanche autrement plus discutable de parler d’“État profond” s’agissant de démocraties libérales politiquement stables, garantissant les libertés publiques fondamentales, dotées de contre-pouvoirs efficients, d’une presse plurale et d’un État de droit authentique. »

À noter que le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes n’est pas le premier à recourir à cette expression. Comme le souligne franceinfo, Emmanuel Macron l’a aussi reprise en 2019, lors du dîner annuel avec les ambassadeurs du Quai d’Orsay. Mais il s’agissait avant tout de la critiquer : « Alors je sais, comme diraient certains théoriciens étrangers, nous avons, nous aussi, un État profond. Et donc, parfois, le président de la République dit des choses, et puis la tendance collective [de l’administration] pourrait être de dire : “Il a dit ça, mais enfin nous on connaît la vérité, on va continuer comme on a toujours fait” », déclarait-il à l’époque.

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