Laurent Vinatier jugé en Russie : ce que Moscou reproche au chercheur français
RUSSIE - Laurent Vinatier va encore devoir attendre pour être fixé sur son sort. Le procès du Français s’est ouvert à Moscou ce mardi 3 septembre peu avant midi (heure française), avant d’être immédiatement renvoyé au 16 septembre. Sa détention provisoire a pour sa part été prolongée jusqu’au 21 février 2025. Collaborateur d’une ONG suisse, il a été arrêté le 6 juin en Russie alors qu’il se trouvait dans un café.
« Le tribunal estime qu’il est impossible d’entamer l’examen de l’affaire pénale. L’audience est reportée au 16 septembre à 14 heures », a déclaré la juge Natalia Tcheprassova, après avoir fait état de la prolongation de sa détention, selon des journalistes de l’AFP sur place. L’ajournement avait été demandé car Laurent Vinatier aurait été informé trop tard de la date de l’audience.
Âgé de 48 ans, ce chercheur spécialiste de l’espace post-soviétique travaillait en Russie pour le Centre pour le dialogue humanitaire, une ONG suisse qui fait de la médiation dans des conflits hors des circuits diplomatiques officiels. Il est accusé de collecter des informations militaires. Mais pour la diplomatie française, ces charges ne tiennent pas. Le Quai d’Orsay a appelé le mois dernier à la libération de toutes « les personnes qui demeurent arbitrairement détenues en Russie, notamment notre compatriote Laurent Vinatier ».
Ce mardi, l’accusé est apparu au tribunal souriant, vêtu d’une chemise bleue et de jeans de couleur foncée. Le HuffPost fait le point sur ce que le Kremlin lui reproche.
· Laurent Vinatier, « agent de l’étranger » ?
Plusieurs accusations ont été portées par la justice russe à l’encontre du Français. Les autorités lui reprochent en particulier de ne pas s’être enregistré en Russie comme « agent de l’étranger » alors qu’il collectait des « informations dans le domaine des activités militaires » pouvant être « utilisées contre la sécurité » du pays. Il encourt cinq ans de prison.
Laurent Vinatier avait reconnu ne pas s’être enregistré sous le label d’« agent de l’étranger », utilisé en Russie contre les voix critiques et qui leur impose de lourdes obligations administratives, sous peine de sanction. Il avait expliqué lors d’une audience sur son placement en détention provisoire qu’il ignorait que la loi russe l’obligeait à effectuer cette démarche.
Au-delà de ça, les services de sécurité russes (FSB) ont affirmé début juillet, dans un communiqué, que l’accusé avait établi de « nombreux contacts » avec des politologues, des économistes et des experts militaires russes, ainsi qu’avec des fonctionnaires. Cette accusation avait fait redouter une inculpation plus grave, par exemple pour « espionnage », un crime passible de 20 ans de prison.
« Lors d’échanges avec ces personnes, (il) a notamment recueilli des informations militaires et militaro-techniques qui peuvent être utilisées par des services spéciaux étrangers à l’encontre de la sécurité de la Russie », assurait le FSB.
· Que faisait-il concrètement en Russie ?
Selon des sources interrogées par l’AFP, le Français travaillait depuis des années sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine, avant même l’offensive russe de février 2022, dans le cadre de discrets efforts diplomatiques en parallèle des États. Il lui arrivait par exemple de mettre en contact des experts et politologues ukrainiens avec certains de leurs homologues russes.
« Le Centre pour le dialogue humanitaire cherche à rapprocher les belligérants en leur proposant une médiation ou ses bons offices. Elle mène ce que l’on appelle une “diplomatie parallèle” », a expliqué à l’hebdomadaire La Vie son ami José Eduardo Pereira, diplômé de l’Institut d’études politiques de Lille et ancien journaliste.
· Demandes de libération rejetées
Marié et père de quatre enfants, Laurent Vinatier est en détention provisoire et a demandé à plusieurs reprises à être assigné à résidence, en assurant qu’il ne comptait pas fuir le pays. Mais ses demandes ont été refusées par la justice russe.
« J’ai toujours voulu, dans mon travail, présenter de façon appropriée les intérêts de la Russie en matière de relations internationales », avait-il déclaré lors d’une audience début juillet. « J’aime la Russie, ma femme est russe, ma vie est liée à la Russie », avait-il affirmé.
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