Laurent Gay, ancien héroïnomane : "J'ai perdu mon enfant, ma femme. J'ai eu le sida. La drogue, je la prenais pour mourir"

Alcool, drogues, sexe, alimentation, jeux d’argent ou jeux vidéo… Pour "Addict.e.s", sur Yahoo, anonymes et célébrités ont accepté de briser le tabou de la dépendance. Ils racontent la spirale infernale de l’addiction, l’impact souvent destructeur sur l’ensemble des sphères de leur vie, et le chemin, souvent long et douloureux, vers la sobriété.

Arraché à l’enfer comme il l’explique dans l’un de ses ouvrages, Laurent Gay est un miraculé. Cet ancien toxicomane a réussi à se sortir de l’engrenage des drogues et espère, grâce à son témoignage, éloigner les jeunes de cette spirale infernale. Pour Yahoo, il a accepté de raconter son histoire.

Drogues, règlements de compte, prison, maladie : Laurent Gay a traversé le pire. Cet ancien toxicomane, dont la vie ne s’est jamais apparentée à un long fleuve tranquille, a réussi à s’en sortir alors qu’il pensait avoir touché le fond. Au cœur de sa détresse, une rencontre a complètement bouleversé le cours de son existence. Pour Yahoo, l’auteur de l’ouvrage "Arraché à l’enfer", s’est livré sans tabou sur ses dérives et son parcours de résurrection (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).

"Faire rentrer la drogue chez soi, c’est faire rentrer le malheur. Elle vous prend tout jusqu’à la vie"

Enfant introverti, Laurent grandit dans un quartier difficile de Paris, dans le XVIIe arrondissement. Il bascule dans l’univers de la drogue à l’âge de 12 ans après avoir intégré une bande de caïds, de très mauvaises fréquentations. Avec eux, il fume du shit et se sent devenir quelqu’un. Là, tout s’accélère. Deux ans plus tard, il passe à un stade supérieur en s’injectant pour la première fois de l’héroïne. "Faire rentrer la drogue chez soi, c’est faire rentrer le malheur. La drogue passe son temps à nous pourrir notre âme, c’est le pire des pièges. Elle vous prend tout jusqu’à la vie", explique-t-il avec regret.

C’est en garde à vue qu’il se rend compte de son addiction. Contraint d’y rester pendant 48 heures, il commence à ressentir les effets du manque. Il plonge, comme la plupart de ses amis. Certains ne s’en remettront d’ailleurs jamais. "En près de 20 ans, j’ai perdu une cinquantaine de potes. Mon premier ami est décédé à l’âge de 14 ans d’une overdose", explique-t-il précisant que l’espérance de vie dans son quartier était de 25 ans. Pour se sortir de cet engrenage, il tente donc les cures de désintoxication mais rien n’y fait. Sans grande motivation, il replonge à chaque nouvelle tentative.

Aujourd’hui, Laurent a passé un cap en mettant ce pan de sa vie derrière lui et souhaite désormais partager sa "révolte intérieure". S’adressant directement aux dealers, il exprime sa colère. "Vous qui vendez de la mort à ces jeunes, êtes-vous bien conscients de briser une multitude de vies ?".

"J’ai fait plusieurs tentatives de suicide par overdose"

Et la sienne en fait partie. À cause de la drogue, Laurent enchaîne les mauvais choix et les déboires. Il commence à squatter dans des quartiers malfamés de Paris avec sa compagne, à dormir dans des caves. Alors qu’elle est enceinte, il apprend qu’elle est atteinte du Sida. L’enfant qu’elle porte ne survit pas. C’est le coup de grâce. "Je n’avais plus d’espoir en moi. Je prenais de la drogue pour mourir. J’ai fait plusieurs tentatives de suicide par overdose, les pompiers m’ont ramené à la vie plusieurs fois", confie-t-il, admettant avoir vécu une période "très sombre et très difficile". À 24 ans, il se retrouve à Fresnes derrière les barreaux à cause d’un règlement de comptes.

En prison, il se fabrique une lame pour s’ouvrir les veines. Au bord du suicide, ce non-croyant crie sa détresse à Dieu, lui demande s’il peut lui ouvrir la porte de son paradis, puis se met à pleurer. Là, il croit voir le visage du Christ, une apparition qu’il interprète comme un signe. "Ça a été une révélation, j’ai commencé à croire qu’il y avait quelque chose au-dessus de moi. À partir de là, je me suis battu contre tous mes petits démons", explique-t-il précisant être sorti de prison au bout d’un an grâce à un non-lieu.

"On m’a attaché à un lit, j’avais les mains et les pieds liés"

L’enfer aurait pu se terminer là mais Laurent en a décidé autrement. À peine sorti, il ne résiste pas longtemps à la tentation et se remet à se droguer. Il se fait alors enfermer dans un hôpital psychiatrique en milieu isolé où il subit son quotidien. "Les murs de ma chambre étaient matelassés. On m’a attaché à un lit, j’avais les mains et les pieds liés", se rappelle-t-il, encore choqué de cette vision. Finalement, les personnels soignants lui administrent de fortes doses de calmants, "ce que l’on appelle la camisole chimique". "J’étais un légume".

Là-bas, il apprend sa séropositivité. Les médecins se montrent très clairs et lui apprennent qu’il lui reste peu de temps à vivre. "À ce moment, la seule chose que je voulais, c’était de demander pardon aux membres de ma famille, de m’excuser de leur avoir fait vivre 15 ans de malheur". Et alors qu’il se voit déjà mort, il trouve une nouvelle fois la lumière au bout du chemin.

Son quotidien bascule lorsqu’un bénévole, présent dans l’hôpital, lui tend la main. "C’était la première fois qu’on me disait que j’étais quelqu’un de bien". Rapidement, il l’intègre dans une communauté religieuse qui accueille des malades en fin de vie. Au total, il y restera neuf ans, une période pendant laquelle il testera des traitements contre le sida. Aujourd’hui marié et heureux, Laurent veut passer son temps à aider les autres, à délivrer un message, particulièrement au monde de la jeunesse.

"La tentation est forte"

Comme il le rappelle, beaucoup d’adolescents et de jeunes adultes sont aujourd’hui prêts à faire "n'importe quoi pour avoir l'impression d'être regardés, d'exister et ressentir un minimum d’amour" dans ce monde anxiogène. Expliquant que la drogue n’allait en rien combler ces manques, il les a invités à "rentrer pleinement" dans leur "destinée". Il s’est d’ailleurs directement adressé à eux.

"Ce n’est pas la drogue qui va te rendre plus intelligent. Ce n’est pas la drogue qui va te permettre de t’élever dans ce bas monde. Tu ne pourras plus te projeter, tu ne pourras plus avoir de rêves. Tu vas tourner en rond et tu vas simplement descendre dans des profondeurs que je ne te souhaite pas, donc le mieux c'est de te servir de ton super pouvoir, celui de dire non à la drogue. La tentation est forte mais il y a autre chose. Tu as un avenir", conclut-il.

Retrouvez ici l'interview en Laurent Gay en intégralité :